Loin des clichés d’une pornographie au sexe épilé et aux lieux aseptisés, les femmes sont de belles et sauvages amazones, félines et tigresses… Les visages sont multiples et uniques, d’une violente sensualité : une vigneronne « vouivre » qui copule dans l’étang et se gorge de raisin; une lectrice d’Alina Reyes dans un train qui subjugue un passager ; une femme glaciale, que rien ne semble faire frémir, provoquant une fureur érotique ; Alice ravie dans les bras d’un Morphée géant ; une inconnue sur un banc public dans le jardin des délices…
Toutes offrent des croupes joufflues, des sexes aux forêts luxuriantes, des bouches cannibales ; elles puent le désir et leur jouissance sonore, qu’elle soit solitaire, à deux ou à plusieurs, embaume toujours de mousses, d’humus, et de marécages.
Car ce qui nous envoûte à la lecture de ce texte, c’est bel et bien le bruit de succion des mots, leurs saveurs et leurs « arômes obscènes ». La bouche du désir et la langue des mots s’entremêlent, s’avalent, s’aspirent, se crachent, s’arrachent des soupirs et des extases. La plume trempe dans la glaise des corps, fouille les fentes et les trous, barbouille des calligraphies charnelles et joue de toutes les nuances de l’alphabet érotique. En explorant la chair des mots, Anne Bert invite son lecteur à perdre pied dans les labyrinthes initiatiques du désir et met vraiment « le foutre à la bouche ».
« L’eau à la Bouche » – Anne Bert. Editions Blanche, 2009
Copyright Katrin Alexandre 2009 pour le Magazine des Livres