A quelques semaines des élections régionales, Délits d’Opinion dresse un état des lieux des forces en présence. Grand vainqueur des dernières élections européennes, les partis écologistes semblent recueillir un accueil plus favorable parmi les citoyens. Attendus au tournant de ce nouveau scrutin tout en conservant le rôle d’outsider, Les Verts et Europe Ecologie entendent bien jouer un rôle de premier plan, « en vert … et contre tous« !
Le Vert, enfin la couleur de l’espoir?
L’année 2009 marque l’avènement d’une écologie politique dans l’âge adulte. Les excellents résultats des listes des partis écologistes au dernier scrutin européen (16.3% pour Europe Ecologie et 3.6% pour l’Alliance Ecologiste Indépendante) au mois de juin 2009, ainsi que la mobilisation mondiale à l’occasion du sommet international de Copenhague sur le réchauffement climatique ont contribué à faire de 2009 une année résolumment verte.
L’échec du sommet était prévisible selon les Français. Un échec qui ne s’est pas retourné contre les Français. La recherche du bouc-émissaire s’est concentrée sur les états et les dirigeants, laissant les écologistes indemnes voire victimes de ce combat pour la sauvegarde de l’environnement. A l’occasion de cette réunion mondiale, les autres écuries politiques nationales n’ont par ailleurs, pas su émerger et s’emparer de ces sujets comme le démontre le récent camouflet du gouvernement sur la taxe carbone ou le silence du parti socialiste.
Alors que les Verts semble enfin être poussés par les bons vents, les adversaires politiques du mois de mars semblent toujours embourbés dans leurs luttes internes (Parti Socialiste), en perte de vitesse sur le plan des idées (Front National), divisés (Extrême Gauche), en perdition (Modem) et mal en point (UMP-Nouveau Centre). Après plus de 35 ans d’existence, l’écologie politique et le vert semblent enfin incarner la couleur de l’espoir. L’environnement et la notion de développement durable sont désormais des préoccupations majeures pour les Français car ces thématiques impactent aujourd’hui l’économie (dispositif Scellier, éco-prêt, etc.). Comme le Front National dans les années 1990, le message écologiste n’a pas changé mais trouve aujourd’hui un écho bien plus favorable auprès du grand public.
La réussite des partis Verts s’explique également par le savant mélange qui s’est opéré au sein du parti entre les historiques (Cohn-Bendit, Voynet, Mamère, Lalonde) et la jeune garde incarnée par Cécile Duflot mais plus largement entre les deux familles : Les Verts et Europe Ecologie. La nouvelle Secrétaire nationale est en voie de parvenir à modifier l’image du parti pour en faire une force politique moderne et en accord avec les préoccupations des citoyens. De l’autre côté, les piliers restent fidèles à leurs convictions et Daniel Cohn-Bendit qui s’était fait le chantre de la révolution de 1968 se veut celui qui accompagnera celle de l’écologie.
Le sujet de prédilection du parti Vert s’est progressivement imposé à l’agenda des dirigeants politiques et le « besoin d’environnement» a trouvé une réponse du point de vue institutionnel avec la création successive d’un Ministère chargé de l’Environnement et du Développement Durable (mai 2002), puis la création d’un Ministère d’Etat chargé de ces questions (avril 2007) et enfin d’un Secrétariat d’état à l’Ecologie en juin 2007. Ainsi, si tous les partis politiques ont teinté de vert leurs programmes et leurs organigrammes, la légitimité est encore du côté des Verts.
Le vote vert
Depuis la candidature de Renée Dumont en 1974, les écologistes se sont maintenus sur la scène politique sans toutefois parvenir à jouer un rôle majeur dans les coalitions nationales. Parmi les nombreux scrutins français, l’élection présidentielle est sans doute celui qui a le moins bien réussi aux Verts, à une exception près en 2002 lorsque Noël Mamère rassembla près de 1, 5 millions de voix et 5, 25% des suffrages exprimés. Lors de la dernière élection, Dominique Voynet, ne recueillit que 1, 57% des votes, soit la moitié de son score de 1995. Les élections législatives n’ont pas non plus permis aux forces écologistes de réaliser de bons scores, desservis par un système français peu représentatif : on ne compte aujourd’hui que 3 députés Verts à l’Assemblée nationale.
Plus que le type de scrutin, on note que c’est bien la dynamique qui influence les résultats des partis minoritaires comme les Verts. Ainsi, le baromètre TNS Sofres concernant la côte de popularité des partis politiques indiquent que la moyenne des Verts en 2009 est la meilleure de l’histoire du parti (56,75% d’opinions favorables contre 43,16% en 2003, la seconde meilleure année).
Dans une récente étude conduite par l‘Ifop pour Sud Ouest concernant le souhait de voir les Verts diriger une région, on note l’existence de clivages importants au sein de la population française. Cette enquête permet de localiser les franges de soutiens au sein de la population : 64% des Français souhaitent voir les Verts accéder à la présidence des conseils régionaux en avril prochain. Dans le détail, ce sont les femmes (67%), les moins de 35 ans (72%) et les habitants de l’agglomération parisienne (69%) qui se montrent le plus favorables à cette hypothèse. Le soucis de l’avenir permet sans doute d’expliquer le soutien massif des femmes et des moins de 35 ans . En ce qui concerne le soutien des habitants de l’agglomération parisienne, il s’explique par un besoin de résoudre les problèmes liés à l’urbanisation croissante. A l’inverse, les retraités (58%) et les habitants de communes rurales (59%) expriment avec plus de retenue le souhait de voir les Verts gérer les régions.
Cette enquête questionne, 70 ans plus tard, la théorie de L. Blum sur l’exercice et la conquête du pouvoir pour les forces socialistes. Les Français semblent aujourd’hui prêts à donner aux Verts la capacité politique d’agir et de dépasser leur rôle « d’écologistes alarmistes» même si comme on le verra plus loin, ils expriment encore des réserves quant à certains domaines d’action. La conjonction d’une excellente dynamique et la prochaine tenue d’un scrutin favorable du point du vue du mode de vote laissent présager un score supérieur à celui réalisé en 2004 …1,59%.
Un contexte favorable
Un troisième facteur devrait également permettre aux Verts de jouer un rôle majeur lors des prochaines élections régionales : le poids prédominant de l’ensemble des forces de gauche et paradoxalement la faiblesse du parti socialiste, habituel pivot des majorités de gauche. Les régionales se jouant sur deux tours et par scrutin de listes, cela devrait permettre aux Verts de peser de tout leur poids dans certaines régions. L’analyse de Gaël Sliman, directeur du département opinion de l’institut BVA indique que pour la première fois les Verts étaient en mesure de disputer le leadership de gauche au PS; une situation qui ne s’était pas reproduite depuis le début des années 1960 moment où les communistes ont été dépassés par les socialistes de la FGDS.
Une récente enquête réalisée par l’Ifop le 26 novembre dernier indiquait que le rapport de force était désormais défavorable pour la majorité (49% contre 38% pour la droite et le front national). La recomposition électorale décrite plus haut n’est donc pas un désavantage pour la gauche parlementaire étant donné la proximité idéologique du PS et des Verts. A droite, les listes UMP-NC auront sans doute de plus grandes difficultés à récupérer l’intégralité des suffrages du FN au second tour sans compter que la formation frontiste entend se maintenir dans de nombreuses régions.
Dans ce contexte, les deux seules régions aujourd’hui détenues par le parti de la majorité présidentielle, l’Alsace et la Corse sont mêmes menacées comme en atteste les résultats des dernières enquêtes réalisées par l’Ifop. En Corse, la liste conduite par Ange Santini et Camille de Rocca Serra recueillerait 29% des voix au premier tour avec une très faible réserve de voix (6% pour la liste autonomiste, 11% pour les nationalistes de Corsica Libera). En Alsace, la situation n’est guère plus rassurante pour la majorité, surtout depuis la disparition du Président Adrien Zeller en août 2009, après 13 ans passés à la Présidence du Conseil régional. Seuls 44% des alsaciens interrogés ont été capable de confirmer qu’André Reichardt était le nouveau président ; un résultat très en deçà de la moyenne mesurée sur les autres régions : 65% selon LH2. Dasn ce contexte, Jacques Bigot, le candidat du PS apparait presque comme le successeur désigné du défunt président Zeller malgré une mobilisation de l’ensemble des forces de gauche qui ne sera pas effective au premier tour.
Au niveau national, la possibilité d’un grand chelem de la gauche semble favoriser avant tout les Verts. Pour la PS il sera difficile de faire mieux et il semblerait que les dirigeants de la rue de Solferino soient prêts à des concessions avec leurs alliés Verts si cela permet d’obstruer la route à la majorité. A droite, on estime que le recul du PS et la poussée verte serait un moindre mal étant donné le contexte actuel. Ainsi, ce troisième facteur permet d’augurer d’un printemps verdoyant d’autant plus que le vote Vert apparaitra comme idéologiquement peu contraignant pour les socialistes comme le démontre l’Ifop : 70% des sympathisants PS sont favorables à ce que certaines régions soient présidées par un élu Vert.
Greenwashing en Ile de France?
Plus que toutes les autres régions, l’Ile de France symbolise le changement d’échelle et les nouvelles ambitions des Verts à l’occasion de ces élections régionales. Alors que la région est aux mains d’une large coalition de gauche depuis 1998 (dont les Verts font partie), certaines enquêtes évoquent la possibilité de voir la liste Verte prendre la région capitale, devant leurs anciens alliés socialistes. Symbole du rapprochement entre son parti d’origine, les Verts, et le mouvement Europe Ecologie, Cécile Duflot est la tête de proue de cette force verte.
La conjonction de la monté des préoccupations pour l’environnement et la personnalité de Cécile Duflot contribue au potentiel très fort de la liste écologique. En effet, le sondage réalisé par Opinion Way pour Le Figaro le 10 décembre 2009 indiquait un score de 24% pour les listes socialistes contre 21% pour les Verts; laissant la coalition UMP-NC avec 30% des intentions de vote mais sans réserves au centre (les électeurs du Modem souhaitent se reporter sur les Verts à 52% et à 63% sur le PS) et à droite (45% des électeurs du FN souhaitent se reporter sur le PS au second tour et 44% sur les Verts). L’élément le plus déterminant de ce sondage étant le rapport de forces équivalent au second tour quel que soit le candidat de gauche se présentant face à Valérie Pécresse (57% contre 43% ).
Plus récemment, l’Ifop a réalisé une nouvelle enquête pour Valeurs Actuelles où l’élan vert semble se tasser. En effet, l’écart au premier tour serait de 7 points par rapport au PS. Pour expliquer l’écart croissant mesuré avec le PS, deux raisons se font jour. Tout d’abord, malgré la vague verte;, la gestion de l’Ile de France (premier budget régional français) apparaît comme une tâche encore trop lourde pour les Verts mêmes s’ils sont associés aux Socialistes. En effet, selon cette enquête, les Verts sont perçus comme étant les plus à même de régler les questions liées aux transports et à l’environnement. A l’inverse, ils sont largement distancés par l’UMP-NC et le PS pour ce qui est de la politique économique et de l’emploi, pour la fiscalité ou la sécurité. Ce relatif déficit de confiance semble peser lourdement dans une région où seulement 15% des habitants estiment « vivre mieux» que dans une autre région.
La seconde raison pouvant expliquer le recul des listes Verts-Europe Ecologie tient à la personnalité de Cécile Duflot. Malgré une visibilité renforcée et de réels effort qui lui ont permis de devenir un personnage politique de premier plan, elle n’est pas encore parvenue à émerger aux yeux du grand public. Ainsi, la candidate verte n’apparait pas encore dans le baromètre de TNS Sofres et ne figure qu’en fin de liste de celui de l‘Ifop.
En Ile de France, moins de 4 électeurs sur 10 affirment connaître Cécile Duflot (38%) alors que ses concurrents sont connus par plus de 8 Français sur 10 : Valérie Pécresse (88%) et Jean-Paul Huchon (84%). Concernant sa cote de popularité elle totalise 26% de bonnes opinions ce qui signifie que les deux tiers des personnes la connaissant ont une bonne opinion; un score largement supérieur à celui de ses adversaires et donc porteur d’espoir pour l’avenir.
Au delà du scrutin
Les observateurs de la campagne pour les régionales soulignent unanimement le bon tempo des Verts depuis plus d’un an : le bon score aux européennes, l’excellente campagne de Daniel Cohn-Bendit et le sommet de Copenhague confirmant l’urgence environnementale. Au regard des différentes enquêtes ce scrutin arrive en réalité sans doute un peu trop tôt pour les Verts et en particulier pour Cécile Duflot en Ile de France. La dynamique qui semble se dessiner devrait conforter Jean-Paule Huchon et la Gauche (verdie) à la tête de la quasi totalité des régions françaises. Pourtant, si la cartographie électorale ne devrait pas se trouver chamboulée par ce scrutin, cette dernière élection intermédiaire avant 2012 devrait permettre à la Gauche de se rassembler et de se réinventer au contact de ses alliés verts.