Du sang et des larmes

Publié le 29 janvier 2010 par Ladytelephagy

29 janvier 2010

Du sang et des larmes

Pour rendre une fiction historique accessible, il vous faut :
- plein de beaux jeunes hommes
- 10kg de muscles à chaque bras
- des costumes bien tape-à-l'œil
- un budget décor d'une somme indécente
- surtout pas trop de tissus
- quelques visages connus au second plan

Après Rome et The Tudors, on n'arrête pas le progrès, voici que Starz lance Spartacus: Blood and Sand. Entre parenthèses voilà une chaîne qu'il faut vraiment surveiller du coin de l'œil, qui semble mettre les bouchées doubles depuis quelques temps, bien qu'avec des effets très variables.
Si vous pensiez que déjà The Tudors usait un peu de facilité pour appâter le chaland, vous n'avez sans doute rien vu. La promesse que fait Spartacus, c'est vraiment les jeux du cirque version télé : un réjouissement populaire le plus primal possible, avec des pectoraux où que le regard se pose, des jeunes gens qui transpirent très beaucoup, et des histoires de coucheries. Pour faire plus sérieux, on aura sans doute quelques références à l'histoire antique, enfin, tant que ça ne gêne pas trop aux entournures, bref, c'est très basique.

Je m'émouvais que certains genres soient moribonds à la télévision. Le péplum semble bomber le torse ces dernières années au contraire (sans doute pour suivre son vague revival au cinéma). Je ne sais pas encore si c'est une bonne nouvelle mais comme pour tout courant prenant de l'ampleur, on va assister aussi bien à la création de bonnes choses (Rome) que de plus triviales (Spartacus), et il faudra faire le tri. Mais si j'ajoute aussi la mini-série Empire, je trouve que le genre a quand même une présence régulière dans les grilles, même si c'est à court terme.
D'une façon plus générale, cela encourage les fictions historiques à sortir des stéréotypes guindés des décennies précédentes, pour s'essayer à plus de modernité dans le ton. Parfois ça donne un résultat un peu trop "tout public" au goût de certains, mais on sent que le genre fait des efforts. Ses auteurs se donnent du mal pour ne pas juste refaire un vieux truc avec des acteurs d'aujourd'hui. En fait, outre-Atlantique, on parvient à faire ce qu'Un Village Français n'a pas réussi à accomplir : revisiter une période dont on a l'impression que l'industrie audiovisuelle a fait le tour cent fois, avec un ton personnel.
Alors évidemment, il y a à prendre et à jeter, mais au moins on a quand même des opportunités, c'est plus que pour bien d'autres genres.

Personnellement, cette façon un peu fanservice d'envisager le péplum, ça ne me dit rien sur le papier. Évidemment, il faudra voir ce que ça donne. Mais une fois de plus, l'originalité vient du câble, alors que pourtant on ne peut pas dire que les moyens y soient pharaoniques. Enfin, romains, pour le coup. Et pourtant, tout ça a forcément un coût supérieur à la plupart des fictions lambda pouvant être tournées à peu près n'importe où et dans n'importe quelles fringues, pour commencer. Et puis, ne serait-ce qu'en huiles de massage pour faire saillir les muscles, ça doit coûter bonbon. Mais le câble ne s'en laisse pas compter, et nous propose du choix. Sur les networks, c'est steak frites ou salade. Sur le câble, le menu est complet (et le steak est  garanti pur muscle, donc).

Alors, j'ai vraiment essayé. Je voulais vraiment donner sa chance à Spartacus: Blood and Sand, je le jure. Hélas cent fois hélas, le post que vous êtes en train de lire ne concernera que les 12 premières minutes du pilote, conformément à l'adage téléphagique qui dit que la curiosité s'arrête là où commence le masochisme.
Spartacus: Blood and Sand m'a agacée. Pire, il m'a déçue, puisque j'avais essayé d'en attendre un petit quelque chose. Comme quoi, il faut toujours croire en son instinct.
Des 12 premières minutes de Spartacus, voilà donc la review...

Tout commence par un combat dans une arène, auquel celui qui sera le héros de notre aventure assiste depuis les souterrains de l'arène. On sait que c'est le héros parce qu'il a l'air tout chafouin et tristoune. Il n'a donc de ce spectacle que la version audio, et sincèrement, il ne perd pas au change. Le combat qui fait rage est en effet un festival d'effets de ralenti, d'éclaboussures ajoutées numériquement, et de décors qui, de façon ostensible, n'existent pas.
Ah, quelqu'un a un nouvel ordinateur avec lequel jouer !
Dans ses catacombes, notre bonhomme nous fait une scène d'angoisse : il vient de réaliser qu'il joue dans un navet. On le comprend. On compatit.
Et ça va empirer très vite.
Flashback : notre pauvre ange de robuste douceur aux yeux bleus (syndrome The Listener, quasiment) se souvient des jours heureux, au pays, du temps béni où il déclarait la guerre aux barbares plus moches et plus sales que lui (c'est dire). A l'époque il pouvait se taper sa femme quand il le voulait, ah c'était le bon temps, surtout qu'elle était un peu la femme idéale : toujours partante pour le sexe, dotée d'un certain sens de l'initiative... mais pas trop de caractère non plus. Et une cuisse ferme comme tout - mais on y reviendra.
Notre barbare s'apprête donc à aller guerroyer, et je crois que le summum du cliché a été atteint lorsque, après qu'une nuit de folle passion ait été consommée en guise de torrides adieux (j'ai tiré cette phrase d'un Harlequin), il va trouver son épouse au petit matin sur une colline voisine, parce qu'elle est anxieuse à propos de la guerre.
Vu que d'une part, on a déjà vu le petit barbare aux yeux tendres dans l'arène (saloperie de flashback, serais-tu devenu l'ennemi juré de tous les pilotes qui se respectent ?!), et que d'autre part, on sait pertinemment que sinon il n'y a pas d'histoire, il semble assez évident que notre chevelu héros ne va pas rentrer au bercail de si tôt. Son destin est scellé lorsqu'il noue un ruban crasseux autour de la cuisse impeccablement photoshoppée de sa mie afin qu'elle garde toujours sur elle l'odeur de son rustre de mari (ô joie, rappelons qu'on est en 400 avant l'invention du savon).
Mais si cette scène est aussi atroce, ce n'est pas seulement en raison de sa mièvrerie over the top, mais aussi à cause du décor lui-même. Tourné sur fond vert (ou bleu, on s'en fout), il est la preuve insolent que, non, tout le monde ne peut pas accomplir des miracles avec un petit budget. Écoutez, c'est bien simple : le décor flotte. Je ne sais pas pour vous mais j'en avais le mal de mer. C'est extrêmement contrariant parce qu'au bout de quelques secondes de nausée, on ne voit plus que ça. Un problème qui, bien que récurrent dans les quelques minutes que j'ai regardées, est des plus criants dans cette scène.
Mes phalanges enfoncées dans la souris, j'ai réprimé l'envie de tout arrêter à ce moment.
Rétrospectivement, j'aurais sans doute mieux fait.
Arrive donc une scène de baston, diantre, c'est déjà la deuxième en moins de 10 minutes, avec plein de slow motion qui gicle de partout, un vrai carnage ! A la suite de quoi on se retrouve, tenez-vous bien, avec une troisième scène de baston, largement moins épique je vous l'accorde, où notre barbare aux yeux bleus défend l'honneur de sa femme (comme il a été mentionné plus tôt par ses soins que les femmes de son village se faisaient régulièrement violer, il ne doit pas en rester grand'chose, mais bon).
Et c'est là que la conclusion s'est imposée à moi. Spartacus: Blood and Sand a été écrite pendant la grève des scénaristes ; par des geeks, d'après ce que je me suis laissé dire.
J'ai donc arrêté les frais, stoppé le pilote, et fait quelque chose qui ne s'était pas produit depuis Tokyo DOGS : j'ai décidé de laisser tomber définitivement. Et puis j'ai lancé un épisode de Rescue Me, et tout de suite, ça allait mieux.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture (bof, culture, culture...) : la fiche Spartacus: Blood and Sand de SeriesLive.

Posté par ladyteruki à 13:03 - 3615 My (So-Called) Life - Commentaires [1] - Rétroliens [0] - Permalien [#] Tags : Rescue Me, Rome, Spartacus Blood and Sand, The Listener, The Tudors, Tokyo DOGS, Un village français