Le temps n’a plus la même élasticité.
Il fut un temps où il s’allongeait. Chaque minute perdurait dans un rythme espacé, presqu’éternel avant d’enfin atteindre le début de la prochaine minute dont la perspective de fuite sans fin déjouait la grandeur de l’heure dans laquelle elle séjournait, pour n’en faire à la fin qu’une attente infinie, dénuée d’espoirs ou de réjouissances.
Il fut une ère où il allait si vite qu’on devait courir après lui.Il était une comète éperdue dans les entrelacs d’un quotidien démesuré et avide.
La comète a disparu.
Mon être est resté là, en arrière du tumulte citadin, retenu par une lave de muqueuse enfiévrée.
Je reste allongée et regarde les minutes défiler, digitales. Rien n’est plus inhumain que l’heure affichée et non ressentie.
8:34 ; 9;50 ; 10:17 ; 11:49 …
Ce vide chiffré et scientifique, mesure unique d’un temps qui passe et nous ignore, me pend et me tue de toute velléité de m’en défaire.
Il suffirait que je l’oublie et ne le regarde plus (11:52) pour enfin retrouver un rythme naturel et non automatique, attelé à la santé de mon être.
Il serait alors fiévreux et langoureux. Les heures passeraient en un sommeil profond et feraient place à un réveil réparé. Mon lever ira alors plus vite que le passage digital de toute minute.
Révéillée une heure je serai, libre de toute identité temporale affichée.
En deux temps, trois mouvements…