Atonal: qui ne s’organise pas selon le système tonal, dans la composition musicale, nous dit le Petit Robert. L’atonalité est donc un état dans lequel sont suspendues toutes les règles et fonctions tonales, sur lesquelles était basée toute la musique occidentale depuis la période baroque (même depuis le moyen-age, la modalité n’étant pas définissable comme système atonal). Plus de tonique, plus de dominante, disparition de l’axe consonance-dissonance, etc. Dans un système atonal, les douze sons de la gamme chromatique sont donc considérés comme égaux, et la dissonance n’est plus un simple fait épisodique.
Il est difficile de dater précisément l’apparition de l’atonalité car le système atonal n’est pas apparu subitement, mais procède de la lente évolution du système tonal. On peut déjà en voir les prémices dans le chromatisme wagnérien et la fin du dix-neuvième siècle, et il envahit peu à peu l’écriture harmonique et contrapuntique. Un des exemples les plus marquants de la fin du dix-neuvième siècle est sans doute la prémonitoire Bagatelle sans tonalité de Franz Liszt, composée en 1885.
Si Arnold Schoenberg et l’école de Vienne caractérisent les débuts de la musique atonale, ils ne sont pas les seuls à sérieusement porter un coup au système tonal. En effet, les impressionnistes français se sont déjà largement écartés de ce système et d’autres compositeurs ont utilisé des composantes atonales dans leur écriture: c’est le cas d’Arthur Honneger, Bela Bartok, ou même Stravinsky qui après avoir refusé presque toute sa vie ce système introduit le sérialisme dans ses œuvres après la mort de Schoenberg.
Je souhaiterais ici rappeler un mot de Pierre Boulez qui représente une bonne définition de cette période: « L’atonalité est essentiellement une période de transition, étant assez forte pour briser l’univers tonal, n’étant pas assez cohérente pour engendrer un système non tonal. » Dans le prochain article, nous nous intéresserons à la construction de cette cohérence de l’univers non-tonal à travers le dodécaphonisme.