Loriot : oiseau lié au soleil de huit heures du matin, aux ombres encore longues dans les vergers, les truffières.
Les engoulevents sont déjà repartis : brefs compagnons. Messagers ponctuels du crépuscule, avec leur bruit d'horloge de bois. Messagers de l'entre-deux, entre ciel et terre, entre jour et nuit — au ras de la cime des arbres.
Il y a une décantation qui se produit, en même temps qu'il fait plus sombre peu à peu — et c'est alors que paraît cet oiseau couleur d'ombre, plutôt paisible, flottant, autour duquel plus ou moins vainement je tourne. Comme un morceau de nuit, découpé dans son étoffe.
Quand la fumée brillante du jour se dissipe.
Travail au jardin, sous un temps doux, ciel pâle. Pas une feuille nouvelle, sinon celles, infimes, de la spirée. Le rouge-gorge, le « cravaté de rouge» d'Emily Dickinson si cher à Roud dans sa vieillesse, par moments semble accompagner mon travail ou même s'y intéresser, tant il est proche ; petit piéton plutôt qu'oiseau, presque toujours à picorer dans la terre.
Aube d'octobre
Il fait un peu plus froid.
Le rouge-queue chante dans l'aube qui se dissipe.
C'est comme si chantait un charbon.
En plein midi, soudain, deux martinets très haut dans le ciel à côté d'un nuage en forme de tour blanche, légère — comme je ne sais quelle apparition foudroyante, énigmatique, ou quelle mesure de la hauteur de l'air, quelle révélation de l'espace aérien, quelle flèche de fer dans le cœur. Une joie bizarre, d'à peine une seconde — et en me relisant, je me rappelle le gerfaut des Solitudes, « scandale bizarre de l'air » —, une lettre tracée sur le bleu puis effacée, un trait — ou le crochet d'un hameçon ? Sait-on qui a pu vous ferrer ainsi ?
La fauvette dans le tilleul : chant extraordinairement, mystérieusement clair, comme s'il traversait, transperçait une enveloppe, franchissait une limite.
Fauvette
dernier oiseau parleur en plein été
de quoi me parles-tu ainsi de loin en loin
dans le feuillage du tilleul ?
De quoi peut donc parler voix si limpide ?
Philippe Jaccottet, Autres journées, Fata Morgana, 1987, p. 15, 19, 28, 34, 46, 82, 88.
Contribution de Tristan Hordé