28/01/2010 13:16 par Victor Roux-Goeken
Officialisé par trois arrêtés et un communiqué de presse (1), le nouveau cadre tarifaire d’achat de l’électricité issue du photovoltaïque solaire pour les années 2010-2012 provoque des remous dans toute la filière.
En cause : le caractère rétroactif d’une mesure du ministère de l’environnement, qui prévoit dans un communiqué du 13 janvier que les demandes d’achat formulées entre le 1er novembre et le 11 janvier qui n’auraient pas fait l’objet d’une demande complète de raccordement bénéficieront des nouveaux tarifs 2010-2012. Ceux-ci sont en légère baisse par rapport aux tarifs 2006-2009.
Il s’agit d’écarter les dossiers spéculatifs, déposés en hâte au mois de décembre pour bénéficier des anciens tarifs, et d’éviter un coût évalué à plusieurs centaines de millions d’euros sur la Contribution au service public de l’électricité (CSPE), financée par tous les consommateurs d’électricité.
Plusieurs problèmes se posent. D’abord, la légalité du caractère rétroactif des nouveaux tarifs est discutable, et ne figure même pas dans l’arrêté !
«Le ministère a peur des recours devant le tribunal administratif, estime Arnaud Gossement, ancien porte-parole de France nature environnement et avocat en droit de l’environnement. Il est obligé de consolider le nouveau dispositif.»
Des arrêtés critiqués
Les arrêtés définissant le nouveau cadre tarifaire sont critiqués. Non pas sur le montant des tarifs, à même de garantir un bon taux de retour sur investissement, mais sur certains de leurs effets.
Pour Marc Jedliczka, président de l’Hespul, la prime d’intégration simplifiée au bâti telle qu’elle est conçue ferme la porte à l’immense gisement des toitures des bâtiments existants (2). Arnaud Mine, du SER, regrette que seules les habitations résidentielles de plus de deux ans puissent bénéficier de la prime d’intégration au bâti. Cette disposition mettrait sur le carreau bon nombre de projets architecturaux du secteur tertiaire, en cours de réalisation.
Par ailleurs, plusieurs petites erreurs se sont glissées dans les arrêtés. Tel qu’il était rédigé, l’arrêté publié le 14 janvier fixant les nouveaux tarifs indiquait qu’un projet par exemple conçu en 2013 pourrait continuer à bénéficier du tarif 2010, alors que celui-ci est censé décroître chaque année…
L’étourderie a été corrigée dans un nouvel arrêté, publié le 16 janvier. Mais une autre erreur est créée. L’arrêté indique que «pour qu’un brise-soleil bénéficie du tarif intégré, il faut qu’il soit installé sur une toiture de plus de deux ans», relève Xavier Cholin, ingénieur à l’Institut national de l’énergie solaire. Un contresens, puisque cette technique architecturale est installée en façade…
Toutes ces critiques ont été transmises au Meeddm.
D’autre part, la rétroactivité ruine les efforts des installateurs «sérieux», assurent ceux qui se réclament comme tels. Le directeur général de la société basée à Perpignan AE 3000, Jérôme Galban, s’est fait porte-parole d’un groupement de sociétés régionales professionnelles du photovoltaïque, qui fait boule de neige dans toute la France.
«Construire un dossier photovoltaïque pour du ‘gros toit’ prend entre 9 et 12 mois. Nous installons actuellement les projets qui ont été développés pendant le premier semestre 2009. aMême si les nouveaux tarifs, que nous ne contestons pas sur le fond, vont nous permettre d’avoir plus tard de l’activité, la rétroactivité va épurer notre carnet de commandes pour les 6 mois à venir ! Cela remet en cause la pérennité de nos entreprises. Nous sommes boucs émissaires d’une situation dont le gouvernement est seul responsable.»
La manière dont a été mis en place le nouveau cadre tarifaire a aussi quelque peu ébranlé l’organisation de la filière.D
Cette proposition ne sera pas retenue, indique-t-on dans l’entourage du ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo. Le Meeddm est bien «en train de rédiger un nouveau texte, arrêté ou décret, qui permettra aux professionnels du secteur de montrer à leurs banquiers à quel tarif ils peuvent prétendre», et de limiter l’incertitude juridique. Ce texte inscrira en droit l’information du communiqué de presse publié le 13 janvier.
La responsabilité de l’emballement de la filière en décembre est niée par le ministère. De même que le caractère rétroactif. «Il y aurait rétroactivité s’il y avait remise en cause des contrats signés. Ce n’est pas le cas.» Pour le moment, la date de publication du quatrième texte définissant le cadre tarifaire 2010-2012 n’est pas encore connue.
(1) Deux arrêtés ont été publiés le 14 janvier au Journal officiel. Le premier abroge l’arrêté tarifaire du 10 juillet 2006. Le second fixe les nouveaux tarifs. Un troisième arrêté modifiant légèrement le second a été publié au JO le 16 janvier (voir encadré)
(2) Dans le JDLE «Photovoltaïque: publication demain des nouveaux tarifs d’achat»
Source : JDLE à la Une