Par Frantz Duval
Au cours d'une visite non officielle le 14 janvier 2010, le président dominicain Leonel Fernandez a apporté au président René Préval une lueur d'espérance à un moment crucial et a décidé d'offrir au peuple haïtien un inestimable support qui a modifié de façon décisive l'organisation des secours après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. En ordonnant d'ouvrir les frontières entre les deux pays et de tout mettre en place pour aider les Haïtiens, on ne saura jamais combien de vie haïtienne Fernandez a permis de sauver. Petit récit d'un grand moment dans la vie des deux peuples qui se partagent l'Ile.
Quand le président Leonel Fernandez arrive en hélicoptère ce jeudi 14 janvier 2010 au dessus de Port-au-Prince, il n'en croit pas ses yeux. L'ambassadeur dominicain en Haïti, Ruben Silie, lui a déjà fait un rapport apocalyptique, mais ce qu'il voit, deux jours après le séisme dévastateur du 12 janvier, dépasse tous les mots.
Dans le passé, Fernandez a déjà visité la capitale de la République d'Haïti. Il prend tout de suite l'ampleur de la catastrophe. La ville qu'il a sous les yeux est dévastée. Le président dominicain connait aussi, mieux que personne, les faiblesses des ressources haïtiennes et le dénuement des autorités frappées de tous les cotés par l'effondrement de la Minustah et des principaux centres de l'Etat haïtien.
A peine débarqué de l'hélicoptère qui le dépose sur la cour de la résidence de l'ambassadeur dominicain à Pétion-Ville, le président Fernandez prend son téléphone pour ordonner que les opérations de secours et d'assistance envers Haïti montent en puissance. La défense civile, le ministère de la santé, l'armée, les douanes, l'immigration et toutes les institutions de la République Dominicaine se mettent en mode « Aider Haïti ».
La République Dominicaine sera la porte d'entrée des secours et les Dominicains, sans les projecteurs de la presse internationale, les premiers à nous tendre la main. La frontière sera aussi, sans trop de formalités, la porte de sortie pour les blessés, ceux qui cherchent une terre plus clémente, ceux en transit et tous les autres habitants d'Haïti qui fuient. Un tournant majeur dans les relations entre les deux pays vient de s'opérer sans signature d'accord officiel.
Les ordres passés, le président Fernandez, qui est en Haïti incognito, décide aussitôt de rencontrer, sans formalité, le président René Préval.. Toujours en hélicoptère, il atterrit à l'aéroport Toussaint Louverture et se présente à son homologue.
Pour un Haïtien qui a assisté à la scène, Préval n'en revient pas de cette visite et se jette dans les bras de son ami Leonel avec qui il entretient de bonnes relations depuis des années. Le dialogue entre les deux hommes d'Etat est d'autant plus aisé qu'ils n'ont jamais eu de différent majeur et le Dominicain parle parfaitement le français.
« Fernandez a été le seul président d'un pays étranger à rendre visite à Haïti depuis la catastrophe et le premier responsable étranger à voir la profondeur de la plaie laissé par le tremblement de terre. Sa visite a fait sortir le Président René Préval d'une léthargie qui aurait pu être dommageable pour le pays. Avec la venue de Fernandez, Préval a compris qu'il n'était plus seul. Il venait de perdre son palais et de voir s'écrouler en quelques secondes tous les acquis de ses deux mandats, Fernandez lui a redonné le goût de se remettre au travail », continue notre source.
« Le Président, coincé entre la DCPJ et l'aéroport, avait autour de lui que ses amis et tous se rendaient compte qu'il ne leur restait dans l'histoire que le rôle de fossoyeur pour les dizaines de milliers de victimes qui s'annonçaient, Fernandez leur a apporté une lueur d'espérance à un moment crucial », selon notre interlocuteur qui a voulu garder l'anonymat.
Quelques jours plus tard, alors que les tracteurs, les camions, les sauveteurs dominicains s'activent à porter main forte dans les ruines de la capitale et que les camions de la République soeur distribuent de l'eau et des plats chauds aux sinistrés, Fernandez monte encore en première ligne pour, au cours de la première rencontre sur l'aide à Haïti, mettre la barre de la reconstruction à 10 milliards de dollars et des années d'effort.
Ce chiffre n'est qu'un chiffre, mais, là encore, le président dominicain a tout compris. Après la période de secours d'urgence, il ne faut pas laisser Haïti à la merci de la charité internationale, il faut mettre le pays dans le chemin de reconstruction.
Une Haïti moins faible est le seul garant de bonne relation entre les deux peuples qui se partage l'Ile d'Hispaniola. Et une grosse épine de moins dans le pied de son voisin immédiat.
Frantz Duval