Après Vatican SA, voici Mafia SA, florissante société anonyme avec un C.A. 2009 de 135 milliards d'euros, selon l'association SOS Impresa, qui vient de publier son XIIe rapport sur criminalité mafieuse et entreprises.
Pour vous donner une idée de la progression, selon Elio Veltri et Antonio Laudati, qui ont récemment publié Mafia pulita, où ils définissent la mafia comme la première entreprise italienne, le C.A. 2003 était de 85 milliards d'euros (p. 40), soit une hausse de 50 milliards d'euros en 6 ans...
Une "évolution" contredisant quelque peu les annonces vaseuses du gouvernement Berlusconi, lorsqu'il déclare une semaine sur deux que la mafia est presque éradiquée ! (tout est dans le "presque" ;-)
Il y a quelques jours encore, en bon mytho, il a assuré que ce "phénomène pathologique" serait éradiqué "d'ici à la fin de sa législature" (2013), et l'a répété aujourd'hui-même. Juste un mensonge de plus à ajouter à une longue - très, très longue - liste...
L'intégralité du rapport (124 pages) n'est pas en ligne, mais il suffit de le demander [maintenant il l'est]. Ce que j'ai fait pour vous en parler, même si ce billet n'a pas pour but d'entrer dans les détails (trop long...), mais de vous fournir un aperçu de la situation actuelle. En commençant par les 78 milliards d'euros de bénéfice net pour l'année 2009, soit 6,5 milliards par mois, ou si vous préférez 213,7 millions / jour, presque 9 millions de l'heure, 150 000 euros à la minute ! Qui dit mieux...
Comme pour toute entreprise qui se respecte, le bénéfice net est donné par la différence entre le chiffre d'affaires global (135 milliards) et les charges (57 milliards), telles que salaires, logistique, frais d'avocats, argent servant à graisser la patte, etc.
Si le poste "salaires" vous surprend, il faut savoir que la main-d'œuvre mafieuse est composée de salariés qui perçoivent régulièrement leur mensualité (la mesata), y compris lorsqu'ils sont en prison (l'argent est alors directement reversé à leur famille, et c'est la mafia qui règle les honoraires des avocats). Voici l'organigramme extrait du rapport, traduit par mes soins :
Un tueur peut donc gagner jusqu'à 25 mille euros par mois, selon SOS Impresa qui a reconstitué les "salaires" à partir de tous les documents qui ont pu être retrouvés.
Le jour où j'aurai le temps, je consacrerai un billet à la structure de la mafia, pour expliquer comment elle est organisée par rapport au territoire, etc.
C'est quelque chose de difficilement concevable en France, mais la force de la mafia c'est la façon dont elle contrôle et noyaute le territoire et se substitue à l'État dans une série croissante de "fonctions régaliennes". Outre les complicités au niveau de l'État, c'est aussi ce qui explique pourquoi certaines cavales durent des décennies, parce que des portions entières de territoire échappent au contrôle des pouvoirs publics.
Pour vous donner un exemple, dans certaines zones de Naples où se vend la drogue, la camorra a construit des dos d'âne sur la chaussée pour ralentir les voitures de police en cas de poursuites !
Le premier élément de contrôle du territoire est le "pizzo", à savoir les sommes d'argent - petites ou grosses - que la mafia extorque aux commerçants, mais pas seulement (on a même vu des extorsions aux dépens de prêtres, d'écoles, etc.), pour leur assurer une soi-disant "protection" en retour.
Dans les marchés, par exemple, les vendeurs à l'étalage doivent payer 1 euro par jour à Palerme, ou entre 5 et 10 € par jour à Naples, mais peu ou prou, l'important c'est que tout le monde paye !!!
Toujours à Palerme, le rapport estime que 80% des commerçants sont soumis au racket et calcule des fourchettes mensuelles de 200 à 500 € pour un magasin normal, de 750 à 1 000 € pour une boutique plus élégante, 5 000 € pour un supermarché, 10 000 € pour un chantier, etc. Si je trouve le temps, je vous ferai un billet sur les déboires de Carrefour en Italie du sud...
Pour les commerçants rebelles, les moyens d'intimidation plus courants sont l'incendie, les bris de vitrine et la colle (colle forte dans les cadenas pour que le commerçant puisse pas ouvrir ses rideaux de fer le matin...). Ça, ce sont les avertissements. Si le commerçant persiste à faire sa mauvaise tête, la mafia passe ensuite aux manières fortes. Par contre, s'il paie, il est protégé contre tous ces aléas du métier !
J'arrête là, mais je n'ai pas peur de dire que si cette situation honteuse et indigne d'une démocratie se perpétue en Italie depuis bientôt un siècle et demi, la faute en revient principalement aux politiques, qui deviennent au fil des ans de plus en plus compromis et corrompus, à tous les niveaux, et, pour tout dire, plus mafieux que les mafieux...
Mais c'est un autre débat !
Jean-Marie Le Ray
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P.S. Et si vous avez passé 5 minutes à lire ce billet, le calcul est simple, dans le même temps l'entreprise Mafia SA a facturé 750 000 euros !
Au noir, de toutes façons maintenant ils ont à disposition la grande lessiveuse qui lave plus blanc que blanc...