Bob Sinclar fait la première partie des spectacles de Madonna. Tiësto lance les Jeux olympiques. Nicolas Sarkozy se paie Martin Solveig au Grand meeting des jeunes au Zénith à Paris. Et Charles Schilling sonorise les défilés des couturiers Karl Lagerfeld et Louis Vuitton. Serions-nous dans l'âge d'or des DJ stars ?
Oui, elle est bien finie l'époque des DJ anonymes qui ne faisaient qu'enchaîner les hits des artistes de l'heure. Aujourd'hui, les DJ sont des pop stars internationales et jouent leur propre musique devant des milliers de fans en délire venus assister à leurs spectacles.
Le phénomène, qui a commencé vers la fin des années 80 avec l'apparition des «rave partys», a pris une tournure complètement différente depuis les années 2000. «Au début de l'époque des raves, l'idéal était en opposition avec ce qu'était la musique pop ou rock. L'image du «performer» n'était pas du tout importante «, explique Paul Gilbert, directeur des communications chez Production Playground (Le Bal en Blanc) qui a travaillé avec plusieurs DJ comme Tiësto, Paul Van Dyke et David Guetta. Une idéologie antistar que le reporter musical Nicolas Titley compare au mouvement punk des années 80 et qui permettait à plusieurs, par sa simplicité musicale, de s'improviser musiciens.
Les DJ sont cependant devenus, depuis une dizaine d'années, des producteurs qui lancent des modes qui sont aussi écoutés que n'importe quelle vedette pop ou rock. «Avant les gens ne venaient que pour danser ; maintenant ils viennent assister au spectacle du DJ pour entendre ses tubes», explique Bernard Dobbeleer, DJ, producteur à la Radio-Télévision belge francophone (RTBF) et chroniqueur musical pour le magazine Télé Moustique. Pour se démarquer et percer dans le star system des DJ, la production (composition de chansons ou morceaux) est d'ailleurs devenue un passage obligé. Car ce sont maintenant leurs «tubes» qui permettent aux DJ d'asseoir leur notoriété, d'attirer les foules et de faire augmenter leurs cachets. Des cachets qui peuvent varier de 5000$ à 50 000$ pour une seule soirée. «Le point majeur de faire venir un DJ star, ce n'est pas de faire de l'argent. C'est plus pour l'image de la boîte parce que ça coûte les yeux de la tête et qu'une fois qu'on a fini de tout payer, il n'en reste pas beaucoup», explique Yann Latouche, administrateur du Dagobert à Québec.
De nouvelles rock stars, pour lesquelles rien n'est trop beau. Limousine, vol en première classe, hôtel de luxe et tout le bataclan habituel. Un véritable culte de la personnalité s'est introduit dans l'univers des DJ et de la musique électronique depuis les 15 dernières années. Plusieurs d'entre eux, comme Bob Sinclar, possèdent d'ailleurs leurs propres marques de vêtement, ou s'associent à divers produits, comme l'a fait
David Guetta, pour une pub télé de gel pour les cheveux et avec la compagnie aérienne Vueling.
Nouvelles technologies
Matériel moins cher, musique plus accessible grâce aux plateformes de téléchargement sur internet, nouveaux logiciels de mixage, magazines et cours de deejaying en ligne. Les nouvelles technologies ont véritablement fait exploser l'engouement pour le métier de DJ. «Avant, un vinyle pouvait couter 10$ à 15$, maintenant je trouve la même chose en numérique pour 1$», explique le DJ Danny Torrence. «Beaucoup de gens s'improvisent DJ maintenant, car la technologie le permet. Je trouve ça dommage car pour moi, un vrai DJ joue avec des vinyles. En plus, si tout le monde se met à faire ça, ça ne veut pas dire qu'ils ont le talent nécessaire. Ça change la donne, car la compétition devient plus grande parce qu'il y a trop de DJ», ajoute la DJ québécoise Misstress Barbara. Une situation que constate également le directeur de l'école DJ Network en France, Jean-Pierre Goffi. «Depuis trois, quatre ans, il y a vraiment une différence. Les élèves veulent faire comme les DJ stars. Avant ils voulaient pratiquer ce métier par passion, pour vivre de la musique et la partager avec la clientèle.»
«Tout le monde a accès à un crayon, mais tout le monde ne se met pas à écrire. Il y a quand même un filtre. On commence cependant à voir des mouvements de musique électronique qui partent de l'Angola, du Brésil, de l'Inde et c'est là qu'on voit réellement les effets de la démocratisation des nouvelles technologies», ajoute cependant Ghislain Poirier.
Musique électronique 2.0?
Bien que la musique house et électronique soit toujours très populaire, le phénomène des DJ stars n'est plus à son apogée. «J'ai l'impression qu'on est en déclin parce qu'il y a eu trop de spectacles de laptop. Il y a une saturation et les fans ont envie de revenir à quelque chose de plus «live». C'est d'ailleurs ce qui fait le succès de DJ Champion, qui fait de la musique électronique avec de vrais instruments de musique», explique Nicolas Titley. Les « raves» comme le Bal en Blanc et Black and Blue enregistrent également beaucoup moins de visiteurs que lors de leurs meilleurs années en 2002 et 2003. Paul Gilbert croit d'ailleurs que les grands DJ comme Tiësto se prennent un peu trop au sérieux et ont du mal à rejoindre les nouvelles foules plus jeunes. Ce que des nouveaux groupes aux influences rock et électro des années 80 comme Justice réussissent à faire.