Magazine Cinéma

Océans de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud

Par Abarguillet

Pathé Distribution
         

Voilà un chef -d'oeuvre qui devrait mobiliser la terre entière : pas un brin d'artifice, la beauté à l'état pur ; pas d'effets spéciaux mais la vérité telle qu'elle est et, au final, le plus bel opéra que la nature puisse nous offrir, filmé par des hommes qui ont mis 3 ans à en définir l'angle le plus juste, la mesure la plus harmonieuse, les octaves les plus larges. On sort de la salle, après 1h45 passée dans l'intimité des océans, subjugués, éblouis, bouleversés, car la beauté, lorsqu'elle est portée à ce degré, est bouleversante. 

 

Le réalisateur du  Peuple migrateur  a réussi son pari d'offrir - grâce à une technique de pointe, à l'aide scientifique internationale, à une infinie patience et à la foi du charbonnier - une vision époustouflante des océans, un spectacle total, un film à couper le souffle. Bien sûr Jean-Yves Cousteau nous avait initiés à la beauté et à l'incommensurable richesse des fonds sous-marins, mais avec Perrin et Cluzaud le spectacle est d'une ampleur théâtrale inégalée. Or filmer l'univers marin est une affaire très compliquée. Il faut par exemple 20 personnes pour immortaliser le flamboiement automnal des gorgones, les froufrous dentelés de la méduse japonaise, la prunelle pleine de réprobation de la seiche, l'allure débraillée de l'hippocampe feuille d'Australie ou les jupailles superposées de la méduse de Californie. Et que dire de l'effort fourni pour filmer le banquet pantagruélique qui se déroule chaque été en Afrique du Sud, lorsque les sardines, qui ont frayé au Cap, remontent vers Durban et sont soudain pourchassées par les dauphins auxquels se mêleront bientôt les requins, les otaries, les manchots et, bien entendu, les oiseaux, hordes affamées qui pénètrent l'eau et embrochent les malheureuses jusqu'à 15 m de profondeur avec un claquement de fusil, si bien qu'au-dessus de l'eau et sous l'eau le bombardement fait rage et que la mer semble être soudain entrée en ébullition.


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Quant au congrès des araignées de mer, il est aussi inattendu que surprenant. Chaque année, des millions d'araignées convergent vers la baie de Melbourne pour y muer et s'y reproduire, grouillant troupeau qui s'avance, on dirait des armées en marche pour s'affronter, lourdement chargées de leurs armures, dans un bruit de ferraille assourdissant, scènes qui n'avaient jamais été filmées et dont nous avons la primeur. Et comment ne pas être séduit par les facéties des otaries, scènes pleines de drôlerie  où celles-ci se changent en danseuses d'une grâce exquise doublées d'incorrigibles farceuses et, ce, pour notre plus grand plaisir. Et comment ne pas être subjugué par les baleines à bosse qui transitent chaque année d'Hawaï en Alaska. Malgré leur gigantisme, elles sont, dans leurs mouvements, d'une précision incroyable et d'une légèreté d'hirondelle assure Jacques Cluzaud. Lorsqu'elles descendent, elles sont capables de frôler le fond de l'eau sans qu'un grain de sable ne bouge, mais quand elles font surface, on a l'impression d'assister à la naissance d'une île, ajoute-t-il.


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Théâtre de vie exubérant, le monde des océans semble avoir tenté toutes les expériences de forme, de couleur, d'originalité, de prodigalité, d'effervescence, vitrine de la diversité la plus éblouissante. 240.000 espèces ont été recensées à ce jour, mais il en reste 2 à 3 millions à découvrir. Alors qu'irions-nous chercher ailleurs, alors que notre planète recèle de tels trésors, un monde si étonnamment vivant qui ne demande qu'à être exploré et sauvegardé ? Oui, qu'irions-nous faire ailleurs, alors que le plus bel ailleurs est ici même. La conclusion est là, discrète et émouvante. Economie de mots. Contrairement à certains, Jacques Perrin se sert d'abord et avant tout de l'image pour nous convaincre. Et il le fait avec sobriété et élégance. Quelques plans sur des poissons captifs des filets où ils agonisent lentement, quelques autres des détritus que nous déversons inconsidérément, le message des profondeurs est parfaitement capté à la surface. Reste désormais à tirer les leçons après cette somptueuse traversée du miroir.


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LES COMMENTAIRES (3)

Par Solipse
posté le 25 février à 20:06
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Hier je suis allé voir le film Ωcéans, encouragé par mon entourage vis à vis des images magnifiques et inédites dont il regorge. Dès le début, on nous dévoile le film comme une mise en scène, un océan-opéra, une fiction écologique. Les iguanes marins des îles Galapagos sont assez mal situés géographiquement pour assister à un décollage de fusée par exemple. On s'attend donc à ce que l'équipe de Jacques Perrin ait sélectionné des scènes de la vie marine pour soutenir le discours écologique.

Les images se succèdent toutes plus bluffantes les unes que les autres, c'est la foire aux espèces, on passe des phoques aux morses aux requins aux crabes aux dauphins au krill aux baleines... en se demandant quel est le fil conducteur entre tout ce que l'on voit. On se demande même parfois qu'est-ce que l'on voit, car il n'y a aucune explication pour étayer les images. Le spectacle est épatant mais est-ce franchement plus culturel qu'Avatar? À quoi bon nous montrer ces images, certes rares, mais qui ne changent absolument rien de la vision que se fait l'être humain de la vie marine : le génie mis au service de la prédation, la tendresse d'une mère pour son petit, les jeux des dauphins, les créatures aux formes saugrenues. L'intention est plus de montrer avec des moyens jamais obtenus jusqu'alors ce qui a déjà été montré par d'autres.

Puis un filet apparaissant à l'écran nous donne un aperçu de ce qui nous attend. On nous prévient de la violence à venir et c'est déjà pas mal. On nous prévient aussi depuis le début que l'homme est entrain de tout saccager, mais encore une fois, a-t-on besoin de redémontrer ce que tout le monde sait déjà? Mais là je ne m'était pas attendu à un tel déferlement de barbarie, massacre de dauphin, de baleine, un requin amputé dont on suit la descente vers le fond et qu'on regarde agoniser. Le tout avec un réalisme et une proximité intime inégalée. Quel esprit malsain voudrait à tout prix montrer ces monstruosités filmées non pas de façon journalistique comme dans un documentaire, mais avec toutes les compétences cinématographiques d'un film d'action. Quelle complicité y a-t-il dû y avoir entre les équipes de tournage et les braconniers ? Que veut-on nous démontrer ?

Pour moi cette scène c'est la mort en direct, un snuff-movie comme on dit dans le jargon. Là on n'étudie pas un phénomène naturel, on met en scène des crimes qui ne sont pas dignes d'une espèce consciente comme l'homme. Quelle est donc la déontologie de Jacques Perrin ? Il n'avait pas fait tomber un yak dans un précipice pour son film Himalaya, mais une reconstitution en fibre de verre !

Cela fait malheureusement penser à une affaire à propos des moutons égorgés en dehors des abattoirs impliquant TF1 : Voir l'article du Post Ou bien est-ce que là aussi le crime est synthétique et les images fausses ? Ce ne serait pas surprenant vu la quantité d'effets spéciaux utilisés, il n'empêche que cette scène m'a fait ressentir un grave malaise à cause du doute sur les méthodes utilisées pendant tout le reste du film... Est-ce qu'on attire un orque près d'une plage de phoques pour reproduire une scène déjà filmée par la BBC, est-ce qu'on présente un crabe devant le repère d'une langouste pour voir ce qu'il va se passer ? Dans quelles limites peut-on être actif ou inactif vis à vis de ce que l'on filme ?

Je vois encore moins comment on peut montrer un tel spectacle à des enfants, quelle que soit la durée des scènes choquantes. La dose quotidienne de violence télévisuelle n'est pas suffisante comme ça ?

J'aurais espéré un film qui montre à quel point le monde marin regorge de créatures douées d'une intelligence et d'un talent qui puissent insuffler le respect à tous. Toutefois c'est bien plus complexe que de faire vibrer nos fibres sentimentales à coup de grands moyens. Et qu'est-ce qu'on aura appris sur les moyens d'agir pour tout un chacun ? Rien... dans la lignée exacte des autres films écolo-dramatiques du moment.

Par David
posté le 31 janvier à 15:10
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Je sors de la projection, j'ai un gout amer, une nausée qui ne me lache plus, un dégout...

Que de merveilles, quel équilibre, quelle adaptation des espèces à leur environnement.

Les images sont magnifiques et allient la beauté des prises de vue à la prouesse technique qui s'oublie devant la dynamique et l'élan de vie des cétacés et des poissons.

Un crescendo qui nous emmène de plus en plus haut à chaque séquence.

La sobriété des commentaires nous permet d'illustrer nous même ce que nous voyons : les poissons clowns dans les anémones de mer y survivent en symbiose avec elles malgré leur dangerosité pour les autres espèces de poissons. Et pour cause, ils sont immunisés contre le venin des anémones... Point trop de commentaires didactiques donc, pour faire place à l'émerveillement.

Et puis d'un coup, un filet. Dans ce filet un poisson qui nage gentiment, à distance des mailles. Puis un autre qui s'approche, plus près du filet. Encore un qui commence à se prendre dedans... puis des myriades de poissons, cétacés pris dans les mailles. Ceux là sont prisonniers pour rien, ils ne sont pas chassés, vendus, consommées. Leur mort fait partie des dommages collatéraux comme on dit ailleurs pour d'autres drames.

Et puis nouvelle dégringolade, la pêche nous est montrée sous ses aspect les plus déconcertants ; requins amputés de leurs seuls ailerons et remis à l'eau tels quels, où ils finiront par mourir d'asphyxie car sans leur nageoires ils ne peuvent assurer le renouvellement d'eau nécessaires pour respirer avec leurs branchies. Quel gaspillage et quelle cruauté : dans l'ordre qui vous plait.

Dès lors, je n'ai plus été capable de profiter de la suite du film et des images.

Je me suis refermé, je suis rentré dans mon trou, dans ma coquille, à l'instar des bernard l'ermite du début de la projection.

Je me suis senti trahi, piégé... Me montrer tout cela pour me dire ensuite que l'homme compromet tout.

Ne croyez pas que je sois une oie blanche, que j'ignore tout cela, que je ne veuille pas le voir.

Je suis tout autant informé que les autres, et peut être même plus que la moyenne, comme d'ailleurs je pense, l'ensemble des spectateurs dans la salle de cinéma. Et pour cause, qui se dérange pour aller voir ce genre de film si ce ne sont les hommes et les femmes sensibles à la nature, à sa beauté, sa sauvagerie, son équilibre.

Qui donc parmi les spectateurs est venu par hasard, choisissant résolument ce film plutôt que "Avatar », la « Princesse grenouille » ou un autre. Il n’y a pas de curieux dans la salle, tous sont acquis aux thèses défendues par l’auteur. Alors, à quoi bon nous faire la leçon à nous, pourquoi nous renvoyer chez nous avec cette cruauté, ce gâchis. Il suffit de regarder la télévision pour y être confronté, et j’y suis confronté car je suis un téléspectateur assidu de documentaires animaliers et autres images de la Terre. J’ai moi-même à mon échelle infléchi ma façon de vivre et de consommer, goutte d’eau parmi d’autres… mais je suis concerné, je me sens parti prenante de ces enjeux.

J’allais donc voir ce qui « reste de beau dans les océans », conscient de la fragilité de la planète, comme l’ensemble des spectateurs, je le répète et j’en suis certain.

J’allais voir le film avec un état d’esprit complètement différent des autres réalisations que je vais voir ; d’ailleurs, dans la file d’attente et dans la salle avant la projection, quant les lumières étaient allumées, une certaine connivence, entente, unité, oserais-je « communion » parmi les spectateurs. C’était bien là le rendez-vous des amoureux de la nature. Etait-il donc nécessaires de finir le film comme les autres du même genre : l’homme est horrible, il souille tout, corrompt tout, s’approprie, dénature, anéantit… Je le sais, nous le savons tous… surtout nous tous qui sommes dans la salle. Nous venons justement chercher de quoi nous donner des forces : la nature est encore là, elle vit. Redoublons d’effort dans notre vie quotidienne car … J. Perrin nous a donné à voir Ô combien elle est belle. J’y allais pour cela, je faisais confiance, dans un sentiment d’être entre amis. Et puis cela se termine comme les autres documentaires. Ce n’est plus un film, c’est un documentaire, avec sa conclusion attendue : « Capri, c’est fini, et dire que c’était la… ». Les alarmes sont nécessaires, les SOS indispensables, les alertes bénéfiques, mais de temps en temps, un peu de repos, un peu de joie pure, la contemplation de l’Eden sans nous mettre le serpent sous le nez, souffler sur son gâteau qui a 20 bougies sans nous agiter le déambulateur du grand père devant les yeux. Ce n’est pas se voiler la face, c’est reprendre des force.

J’allais reprendre des forces dans un moment de contemplation de la beauté du monde sauvage, l’esprit relaché, je me suis retrouvé la tête plongé de force sous l’eau nauséabonde du monde réel, par surprise, sans avoir pu prendre ma respiration avant.

Par DOUILLON
posté le 29 janvier à 09:16
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Petit Clin d'oeil humoristique sur le sujet http://douillon.canalblog.com/ BONS SOURIRES Jean Patrick

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