Pour la seconde fois de son histoire, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un avis dans le cadre de ses fonctions consultatives (Art. 47). Comme pour le premier avis (Cour EDH, G.C, 12 février 2008, Avis consultatif sur certaines questions juridiques relatives aux listes de candidats présentées en vue de l’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme - V. Lettre actualité du 24 février 2008), la demande formulée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe concernait la procédure d’élection des juges à la Cour par l’Assemblée parlementaire (Art. 22). Comme le souligne l’avis (§ 7-18), les questions soumises à la Cour s’insèrent dans un contexte spécifique. L’Ukraine avait, pour le poste de juge au titre de cet État, présenté une liste de trois candidats mais, à la suite du désistement de l’un d’eux « pour des raisons (…) d’ordre personnel » (§ 9), désira proposer une nouvelle liste. L’Assemblée parlementaire souhaitait quant à elle que l’Ukraine se borne à compléter la liste et à seulement proposer un nom supplémentaire.
Sur le terrain de sa compétence consultative, la Cour commence par rappeler que celle-là se limite aux « questions juridiques concernant l’interprétation de la Convention et de ses protocoles » dont celles relatives « notamment à l’élection des juges » (§ 29 et 31). Cependant, elle estime, s’agissant d’une des questions (2.b) - V. § 6), qu’« en dernière analyse, [cette dernière] porte sur la compatibilité avec la Convention d’une résolution de l’Assemblée parlementaire, ou plus exactement de certaines de ses dispositions » (§ 33). Tranchant un point sur lequel « elle avait exprimé des doutes [quant à] sa compétence consultative » dans son premier avis (§ 33), la Cour estime qu’« elle ne saurait […] se prononcer sur la compatibilité de ces dispositions elles-mêmes avec la Convention » même si elle peut être amenée à interpréter une telle résolution ou à examiner ses « éventuelles implications juridiques » pour répondre aux questions posées (§ 34).
Les juges strasbourgeois décident ensuite de répondre à ces questions à la lueur de « trois principes généraux » (§ 36) : une vision finaliste de la Convention qui aspire à « une protection efficace des droits de l’homme » et implique donc de « pourvoir dans les meilleurs délais tous les sièges de juges à la Cour qui seraient vacants » (§ 37 - en effet, l’Ukraine n’a plus de juge élu depuis 2007 de sorte que chacune des nombreuses affaires concernant cet État exige la désignation préalable d’un juge ad hoc) ; la nécessité « d’assurer l’autorité et le bon fonctionnement de la Cour » et donc de « préserver au mieux l’indépendance et l’impartialité » des juges (§ 38) ; la préservation de « l‘équilibre et du partage des compétences opérés par l’article 22 de la Convention entre les Hautes Parties contractantes et l’Assemblée parlementaire » (§ 39).
Dans le prolongement de ces perspectives et à l’aide de points de comparaison (douze autres juridictions internationales et européenne - § 26-28), la Cour suggère une solution, proche d’un jugement de Salomon, qui concilie les prétentions des parties à la Convention avec celles de l’Assemblée parlementaire, car aucun de ces protagonistes « ne saurait exercer la compétence dont il jouit en la matière au détriment de celle des autres » (§ 43-44). Si « les Hautes Parties contractantes ont toute latitude pour composer leurs listes » (§ 45) et « peuvent donc, dans l’exercice de leur souveraineté, décider - pour des raisons qui leur sont propres - de retirer des listes de candidats aux fonctions de juge à la Cour » (§ 47), « la seule limite [réside dans] l’obligation de ne pas perturber le déroulement normal et le calendrier de la procédure d’élection par l’Assemblée parlementaire » (§ 46). Une date butoir à l’exercice de cette faculté étatique de retrait est donc nécessaire (§ 47), la Cour suggérant « de faire coïncider la date limite pour le retrait d’une liste avec la date limite fixée pour le dépôt des listes par les Hautes Parties contractantes auprès de l’Assemblée parlementaire » (§ 48). Cette analyse, dont découle la réponse aux autres questions (§ 50), est également transposée à la faculté pour un État de proposer une nouvelle liste en cas de désistement d’un candidat initial (sous condition évidente que « pareil désistement [soit] dû à des circonstances exceptionnelles échappant au contrôle de la Haute Partie contractante qui a soumis la liste » - § 51-53) : antérieurement à la limite précitée, l’État est libre de compléter ou de remplacer la liste initiale (§ 54) mais, une fois ce délai échu, « devra dès lors se limiter à remplacer le ou les candidat(s) défaillant(s) » (§ 56).
Avis consultatif sur certaines questions juridiques relatives aux listes de candidats présentées en vue de l’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme (n° 2) (Cour EDH, G.C, 22 janvier 2010).
A noter aussi l’élection du nouveau juge au titre de l’Italie ce 26 janvier 2010, M. Guido Raimondi, par l’assemblée