Vie et moeurs du Nélulokal : le majoritaire

Publié le 28 janvier 2010 par Jlhuss

Moi qui vous cause, je suis un nélulokal. Quoique assez répandue (la France, a elle toute seule, en abrite à peu près trois cent mille individus)  l’espèce est mal connue. Certes, il n’est pas rare d’entendre un journaliste, un politologue ou le Président de la République y faire allusion. Selon les circonstances (inauguration d’une salle polyvalente, colloque organisé par l’Institut des Hautes Etudes en Sciences Sociales ou déclaration « off » dans un airbus retour d’un sommet du G 74)  les qualificatifs employés varient d’inutile à dévoué en passant par incompétent et dynamique. Il est temps de mettre un peu de clarté dans tout ça, en  braquant sur le nélulokal le puissant projecteur d’une analyse socio-politique écologique et citoyenne comme aurait dit le maire de Champignac (1) notre modèle à tous.

Première constatation il n’y a pas une seule variété de nélulokal mais trois : le nélulokal majoritaire, le nélulokal d’opposition et le nélulokal à géomètrie variable. De bons esprits ont fait remarquer que cette division rappelle celle des zèbres (2) équidés avec lesquels les nélulokaux entretiennent des ressemblances si troublantes qu’on ne peut s’empêcher  de penser qu’il doit y avoir quelque chose de vrai dans la métempsycose.
Etudions pour commencer le nélulokal majoritaire. L’animal se déplace en troupes plus ou moins importantes autour d’un chef qui, contrairement à ce qui se passe chez presque tous les autres mammifères est plutôt un vieux mâle qu’une vieille femelle (de rares exceptions confirment la règle).  Selon les cas et les sous-variétés on nomme ce chef Maire ou Président. Les plus éminents spécialistes de l’éthologie animale ont identifié chez les membres de ces hardes un type de conduite tout à fait particulier. Ils l’ont nommé « discipline de groupe ». Elle expliquerait la propension des nélulokaux majoritaires à se livrer à d’étranges pratiques alimentaires telles que manger leur chapeau ou à avaler des couleuvres de plus en plus grosses sur un simple signe du chef (en général il s’agit d’un froncement du museau). Détail amusant, certains scientifiques qui assurent comprendre leur langage, croient avoir deviné qu’après s’être livrés à ces peu ragoûtants festins, les nélulokaux majoritaires déclarent tous qu’ils ne mangent pas de ce pain là.
Peut-être faut-il chercher la raison de ces contradictions dans la rude vie du nélulokal majoritaire. Coincé entre les exigences de son chef et les criailleries des membres d’une espèce voisine, appelée sitoilliainlokaux, lesquels ne cessent de leur corner aux oreilles qu’ils sont responsables de tout ce qui ne va pas : les trous dans les chaussées, les crottes de chien, la piscine qui est bêtement fermée à cinq heures du mat, la boîte de nuit qui est ouverte à la même heure et ainsi d’suite machin comme disait feu Nénesse pêcheur de grenouille, unijambiste et grand buveur de pastis secs.  Notons qu’il existe une sous-variété de sitoillienlokal particulièrement agressive. Elle porte le nom de Rèceponsabaçociatif. Ses membres se reconnaissent à leur  régime très particulier. Ils se nourrissent principalement de cheveux coupés en quatre et de petites bêtes dont ils sont des chercheurs passionnés.
Ceci étant, la vie du nélulokal majoritaire n’est pas qu’un «  tissu de coups de poignards qu’il lui faut boire goutte à goutte » selon la forte expression de l’avocat du  Sapeur Camembert. Il a des compensations qui sont loin d’être négligeables.  Il arrive qu’on parle de lui dans le journal, ce qui permet à sa maman de découper l’article qu’elle collera dans l’album commencé lors de l’élection (c’est ainsi qu’on nomme le moment de la  parturition chez les nélulokaux). Il peut, également, s’il est collectionneur, aligner les morceaux de ruban bleu, blanc, rouge que le chef remet à ses fidèles lors de cérémonies appelées inaugurations.  Il joue aussi un rôle de premier plan lors de rites propres à l’espèce qui réunissent, pour des cérémonies appelées « séances du conseil », les trois sortes de nélulokaux. Au cours de ces  solennités, il peut écraser de son nombre et de son mépris les membres des deux autres variétés. N’oublions pas non plus,  les invitations aux vernissages des statues en pot de yaourt réalisées par un artiste conceptuel  à la fois minimal et local, la remise de la Coupe Odon Valétudinaire lors de la course annuelle des vétérans de l’Olympique de la Basse Seille et last but not least (3) des indemnités forcément grasses.  On conviendra que l’un dans l’autre les avantages équilibrent les inconvénients (surtout si l’on sait que l’usage raisonné de boules Quiès permet de supporter plus aisément les jérémiades des sitoilliainlokaux). Dans certains cas, un nélulokal majoritaire peut vouloir changer non de sexe mais d’espèce et redevenir un sitoilliainlokal, il lui suffit, pour cela, de rédiger une lettre de démission. La rareté de ce genre d’événement a pu faire dire à des gens malintentionnés ou peu informés que les nélulokaux majoritaires étaient analphabètes, certains poussant même la méchanceté jusqu’à amputer ce dernier terme de ses deux premières syllabes. On en conclura de l’exposé (hélas non exhaustif) qui précède que, tout compte fait (ou tout conte fait), le nélulokal majoritaire mène une vie sinon idéale du moins très acceptable et qu’il aurait tort de se plaindre On verra, dans la suite de cette étude (si toutefois je n’oublie pas de l’écrire) qu’il n’en va pas de même pour les autres nélulokaux, quoique…

Chambolle

1-Pâcome Hégésippe Adélard Ladislas, cher au cœur des vieux lecteurs de Spirou

2-(Pour ceux qui auraient oublié leur cours de zoologie, il existe trois variétés de zèbres : des montagnes, de Grévy et de Burchell. Merci qui ? Merci Wiki)
3-Je ne sais pas ce que ça veut dire mais je trouve que ça fait bien.