Je viens de tomber sur cette interview dans mes archives. Comme en ce moment, je n'ai pas trop d'inspiration pour écrire de nouveaux trucs, je la resors...
Mathieu JULIEN, est interviewé par François CÔME, Président de Maisons Paysannes de Touraine (2008)
1 - Vous êtes architecte du patrimoine. Cette qualification correspond à quoi ?
Après avoir obtenu mon diplôme d'architecte, je suis rentré à l'école de Chaillot. C'est un cursus de deux ans à raison de deux jours toutes les deux semaines. Cet enseignement spécialisé recouvre l'ensemble des problématiques posées par l'histoire, l'entretien, la restauration et l'utilisation des monuments anciens. Au terme de cet enseignement on obtient le Diplôme de Chaillot.
2 - Combien d'architectes de patrimoine en Indre-et-Loire ? Cinq.
3 - Quels conseils donnez-vous à vos clients pour restaurer une maison ?
- Premier point, comprendre le bâtiment. - Deuxième point, savoir que le bâtiment à traversé des siècles et que la plupart des désordres ne sont pas si anciens. Les désordres sont dus le plus souvent à la perte des traditions d’entretien. Ceci est lié à notre mode de vie actuelle. Par exemple, les remontées capillaires dans les bas murs sont dues souvent à des contrepentes mal gérées. - Troisième point, je dois être honnête. D'un point de vue architectural, lorsqu'on possède tous les éléments pour restituer à l’ancienne il n’y a aucun problème. Dans le cas contraire, il ne faut pas craindre d'utiliser des matériaux contemporains. Il ne faut pas être "intégriste."- Quatrième point, il ne faut pas être trop prétentieux, non plus. Il faut éviter le côté «Marie-Antoinette» et rester authentique et simple.
4 - Pour vous une restauration réussie c'est quoi ?
L'architecte doit avoir la capacité, lorsqu'il a tous les éléments de restitution, de s'effacer et de rendre imperceptible son intervention pour mettre en valeur les parties anciennes. Lorsqu'il y a absence d'éléments de restitution ou lorsque l’on change la nature du bâtiment, il est honnête de conserver un langage architectural actuel. Par exemple, le musée David d'Angers traité par l'architecte Pierre Prunay et certaines parties de l'Abbaye de Fontevraud sont des réussites. On peut prendre aussi l'exemple de la restauration de l'Eglise de l'Abbaye d'Ardenne à Saint Germain la Blanche Herbe réalisée par l'architecte Bruno Decaris, par ailleurs enseignant à Chaillot.
5 - Quelles sont les erreurs à éviter ?
Les erreurs à éviter ! - Le mauvais pastiche. Par exemple, une lucarne avec de mauvaises proportions ou sortie de son contexte. Parfois un châssis vitré est préférable. - Le bois apparent coûte que coûte. - La mauvaise patine des parties neuves. – Les effets de mode. Par exemple, le tout irrégulier ou le châssis tabatière à tout prix. - En faire de trop ou faire de fausses économies. Ce sont là des détails qui soulignent la tendance d'une époque.
6 – A quoi ressemble le client idéal ?
Mon père et mon grand-père sont architectes. Mon grand-père me disait, en me parlant de son maître Auguste Perret, "donnez-moi Louis XIV comme client et vous allez voir." En plus clair, il faut que le client et l'architecte travaillent la main dans la main.
7 - La restauration dont vous êtes le plus fier ?
Une cave troglodytique à Vouvray. C’est tout petit.
8 - La création dont vous êtes le plus fier ? L’extension d'une maison 1930, à Cormery.
9 - Une restauration ou une création dont vous auriez aimé être l’architecte ?
L'abbaye de Fontevraud, quelle que soit l'époque.
10 - Qu'aimez-vous en architecture ? Tout !
11 - Que détestez-vous en architecture ? Le faux.
12 - Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien ?
J'aimerais travailler en synergie avec l'administration car notre intérêt est commun.
13 - La maison idéale pour vous ?
Celle qui ne coûte pas trop cher à construire et dont le coût d'exploitation est le plus bas possible. Celle qui tire astucieusement parti de l'environnement : lumière naturelle, apport solaire, etc. Elle doit être conçue pour la famille qui l'occupe. Petit rappel : le mètre carré le moins cher est celui que l'on ne construit pas.
14 - Votre architecte ou vos architectes favoris ?
- Louis Khan, américain des années 1960-1970. Parmi ses réalisations : Salk Institute San Diego. - Tadao Ando, japonais contemporain. J'aime toute son œuvre. - Pierre Prunet, Jean Nouvel, Rudy Ricciotti, tous contemporains.
15 - Selon vous, comment peut-on améliorer les zones pavillonnaires ?
Le seul moyen est une volonté politique, donc croire au développement de la ville sur la ville. Ne pas avoir peur de renouveler voire de démolir. Des bureaux d'architectures se sont mobilisés pour relever ce défi. L'Ordre des architectes a édité plusieurs documents gratuits et consultables sur Internet (http://www.architecte.org/)
16 - Quelle appréciation avez-vous de l'architecture moderne ?
La modernité ne doit pas être une fin en soi, au même titre que la conservation.
17 - Pouvez-vous nous parler de vos débuts ?
Pendant mes études, j'ai travaillé dans un cabinet à Paris pour « faire la place.» Puis, en 1996, je suis parti en coopération en Tunisie. De 1999 à 2001 reprise de études pour le diplôme de Chaillot. Ensuite, je suis entré chez un architecte des Monuments Historiques. Puis, en 2005, je me suis installé au 39 quai de Portillon à Saint-Cyr-sur-Loire.
18 - Quels sont vos projets ?
Développer mon agence à Tours et ailleurs. J'aime travailler en équipe avec d'autres architectes, à Paris, à Neuilly, en Bretagne, dans le Loiret.
19 - Vos livres de chevet en architecture ?
- Le Dictionnaire raisonné de l'architecture médiévale par Viollet-le-Duc. – L’Architecture Rurale & Bourgeoise de Georges Doyon et Robert Hubrecht Editions Ch. Massin et Cie. -
Louis Khan éditions, a t u - Tadao Ando éditions, Couleurs de lumière. La revue Detail.
20 - Votre rêve pour une future réalisation architecturale ?
Une équipe d'architecture plus une bonne ambiance avec le maître d'ouvrage, client particulier ou entreprise, et le projet sera forcément bon.