Même après une bonne dizaine de films, les frères Coen ont toujours eu l’art de nous surprendre. C’était par surprise totale que nous étions tombés sur No Country For Old Men, bien que le film ait quelques liens avec du Fargo désertique. Et c’est vrai que A Serious Man est un résultat tout aussi original qu’un nouveau film des Coen : hors classe, genre ou collection. A Serious Man, c’est avant tout cet homme qui essaie de ne pas céder à une folie primale alors que sa vie se disloque joyeusement. Ah, et puis il est juif aussi.
Les Coen placent directement, foncièrement, leur nouvelle comédie (mais en est-ce une?) satirique dans une communauté juive américaine des années 60. Larry est professeur de mathématique en attente d’une promotion, sa femme veut le quitter légalement et religieusement pour un autre homme, son fils fume en cachette et court à la poursuite de sa radio portative, sa fille se lave les cheveux et son frère (génial Richard Kind) a des problèmes… On nage dans le surréalisme à la Coen, celui des personnages stressés et à la limite de la folie nerveuse, replié sur eux-mêmes face à la somme de problèmes les assaillant de toutes parts. Tentant de surnager comme il peut, Larry se coltine les rabins locaux (dont Simon Helberg de The Big Banh Theory!) pour essayer de trouver une solution. Car Larry est sympa, voir trop. Il veut garder calme et sérénité en toute situation, acceptant même de déménager au motel pour laisser sa femme et son prochain mari emménager dans la maison familiale, ou payer ses futures obsèques…
Pas forcément gentil, mais foncièrement soumis, Larry glisse doucement dans l’absurdité quotidienne, fantasmant sur les possibilités d’une vie plus chaotique, moins sérieuse donc. De la voisine délaissée par son mari, à son frangin semi-délinquant, il entrevoit la masse des possibilités qui s’offrent à lui mais ne peut se résoudre à tout faire exploser. Maitrisant sa vie au mieux, il devient le compresseur de la pression sociale l’environnant, la soupape de son entourage, et évidemment il le supporte mal. L’homme sérieux pourrait éclater à tout moment, alors qu’autour de lui le chaos règne. Etonnante scène de bar mitzvah vu du fils drogué, où la mère désormais ex-futur-veuve reviendra dans les bras de son premier mari.
Ironiquement, et c’est peut être là que le film trouve sa force, le final cinglant et brutal nous promet une métamorphose de l’environnement de Larry, comme si son incapacité à bouleverser les choses par lui-même allait être accélérer par Dame Nature… Une nouvelle fois, les Coen surprennent, prennent plaisir à s’amuser dans la communauté juive (la première séquence est… saisissante), et non d’elle, ou pas que. Bref, A Serious Man est déstabilisant en tous points, et c’est bien là l’impression en sortie de salles. Les Coen auraient ils encore réussis leur hold-up?