Y a-t-il une fatalité ?
Il y a quelque chose d’indécent dans le concert de compassion humanitaire et d’aides en tous genres à l’endroit de la population de Haïti, aujourd’hui stigmatisée, martyrisée par ce qui serait une malédiction du destin.
Le tremblement de terre meurtrier ne serait en somme que la punition d’un peuple coupable par avance, marqué au fer rouge, boulets au pied comme de mauvais sujets, de mauvais esclaves.
Qu’avons-nous fait avant la catastrophe naturelle, prévisible et prévue, comme celles qui sont annoncées, reste à savoir quand, sur cette fracture tectonique naturelle et inévitable?
Avant ! C’est il y a quelques semaines, le jour avant le cataclysme. 76% de Haïtiens vivent avec moins de 1,30 euros par jour quand ils survivent aux séismes, aux coups d’Etat et au sida. Il n’y avait aucun chef d’Etat à la conférence mondiale sur la pauvreté, aucun. Il y avait tous les chefs d’Etat à la conférence de Copenhague sur le climat, gelée par les intempéries et le froid glacial tombé sur l’occident.
Pourtant au siècle dernier, ce peuple magnifique a chassé la France au nom des valeurs de la Révolution proclamant chaque esclave citoyen libre. En 1825, la France a exigé une indemnité de 150 millions de francs-or, soit cinq fois son budget de l’époque, pour reconnaître l’indépendance haïtienne, endettant la république de nègres pour des décennies précipitant ses paysans dans la misère. Les États-Unis ont pris le relais au 20ème siècle validant les dictatures qui maintenaient la malédiction évoquée aujourd’hui par les bien-pensants. Il y a deux ans, qui a regardé les Haïtiens se soulever : émeutes de la faim ?
Au concours de la générosité animée par une pitié qui alimente la bonne conscience, la France et les États-Unis, entre autres vont-ils payer leur vraie dette ? Il est permis, hélas, d’en douter. L’insaisissable fraternité reviendrait à sauver les Haïssiens et à les rétablir dans leur dignité et leurs droits.
La nausée monte en lisant des commentaires de vidéos qui font le tour du monde entier pour conter le malheur des Haïtiens. Extraits en substance : voilà maintenant que ces sales nègres, peu reconnaissants, ne sont pas capables de se mettre en rang et d’attendre gentiment qu’on vienne leur donner un petit colis de nourriture… et de les vouer à la disparition définitive à travers un nouveau cataclysme salvateur… Et nous, serions civilisés, nous les sales blancs tellement supérieurs aux pauvres, aux malheureux et aux morts ?
Les Haïtiens vont enterrer leurs morts. Ils vont vivre et rebâtir. Sans nous ou avec nous.
Pierre-Jules Gaye