En venant de Sanaa, on passe le col de Naqîl al Maghraba et l’on découvre une longue vallée plus fertile qui file vers l’Ouest. Une route en lacets abrupts descend vers la vallée, longe les contreforts du djebel Harâz auxquels s’accrochent les plus beaux villages perchés du Yémen, comme Al-Hajjara.
Végétation : acacias, épineux et « pieds d’éléphants » aux magnifiques fleurs roses sur des pentes caillouteuses. Dans la vallée du wadi Sihâm, plantations de bananiers, papayers ou caféiers. Attention aux eaux stagnantes des gorges infestées de bilharzies qui percent la peau et des années plus tard pourront provoquer l’hématurie. Les tamaris et callotropis peuplent les gorges ; les tisserins façonnent leurs nids sous les jujubiers ; des aigrettes, des hérons cendrés pataugent dans l’oued à la recherche de grenouilles.
Al-Hudayda est la deuxième ville du Yémen. Autrefois principal port turc sur la Mer Rouge. Voulant concurrencer Aden, aux mains des Britanniques, après 1849 le déclin du port de Hokha, les Turcs décidèrent qu’Al-Hudayda serait un port moderne, concurrent d’Aden. Rimbaud et Henri de Monfreid évoquent l’activité du port, ses belles maisons turques aux fenêtres aux moucharabiehs, ses maisons arabes en bois et le caractère cosmopolite de cette cité peuplée d’Arabes, d’Abyssins, Indiens, Grecs, Italiens, Russes et Juifs, esclaves originaires d’Afrique de l’Est dont les Zarânîq orchestraient le trafic. Les demeures s’étiolent lentement.
Bayt Al-Faqîh (la maison du lettré) fondée au début du 17e siècle par le lettré cheik Ahmad Ibn Musa devint une étape importante sur la voie acheminant le café des montagnes vers Moka. Dans le marché du vendredi, on pèse le coton, on s’y fait poser des ventouses en corne, on y voit des banquettes en bois ouvragé et peint. Il y a aussi des potiers, des vendeurs de fourrage, de bétail, de sorgho, de mil, de millet. On peut y acheter des bijoux d’argent, y observer le travail des tisserands au milieu de sacs plastiques colorés et bouteilles en plastique qui jonchent toute agglomération yéménite.
Zabîd fut fondée en 819. Jusqu’en 1012, centre de diffusion de la doctrine shâfi’ite. L’université jouissait d’un immense prestige dans tout le monde arabe, c’est là qu’aurait été inventée l’algèbre (al jibra). Les remparts, la citadelle turque, les 80 écoles coraniques et mosquées attestent aujourd’hui encore du passé glorieux de cette ville. Une imposante forteresse avec de nombreuses tours de guet abrite la mosquée Iskandar de style turco-égyptien (Iskandar est le nom arabe d’Alexandre). La mosquée Al-Asha’ria, centre d’enseignement shâfi’ite s’élève au cœur de la ville.
Le souk ? les Mille et Une nuits ! Dromadaires actionnant un pressoir à huile, marchands de beignets, boulangers, cours où les fumeurs de narguilés et les mâcheurs de qat se rassemblent, réparateurs de réchauds à pétrole. Les habitations ne sont pas ouvertes vers l’extérieur ici mais sont constituées de plusieurs pièces basses donnant sur une cour centrale. L’ensemble est ceint de hauts murs fermés par un portail massif. Les bâtiments sont en briquette enduite de chaux. Leurs façades sont très souvent ornées de frises géométriques en stuc.
Al-Khawkha. En direction de Moka, c’est le seul site balnéaire digne de ce nom de la côte. On peut y admirer la construction des dhows et des houris (petites barques allongées) sur des chantiers artisanaux établis en bord de mer. La pêche est la principale ressource de cette petite ville. Nous y dégusterons de succulentes sardines grillées. Oui, oui, nous nous installons sur un banc de bois devant des planches où l’on nous sert ces poissons sur un journal chinois en guise d’assiette. Le papier chinois absorberait-t-il mieux la graisse des poissons grillés ? De toute façon, les sardines sont succulentes !
Moka n’a plus rien de sa splendeur passée de capitale du café. Reste la mosquée Ash-Shàdhili dressée au milieu d’un terrain poussiéreux, à côté d’un minaret en ruines, et quelques bâtiments de l’époque ottomane en ville.
Le café a été domestiqué pour la première fois en Ethiopie où il pousse à l’état sauvage. Les Yéménites furent les premiers à le cultiver. Ici on en récolte 10 000 tonnes qui sont vendues à l’exportation. Les Yéménites n’utilisent que les écales pour concocter une infusion parfumée au gingembre, à la cannelle, à la cardamome ou au clou de girofle nommée qishr. Au Yémen, le prix des écales est plus élevé que celui des grains !
Sabine
ééé
ééé