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Franck Maubert écrit des ouvrages consacrés à la peinture. Il a aussi été journaliste d’art, à l’Express, dans les années quatre-vingt et c’est dans ce cadre-là qu’il a eu l’occasion de rencontrer Francis Bacon (1909 – 1992) qui incarne pour lui la peinture par excellence et dont l’art consommé de la conversation le séduit.
Il présente le peintre comme quelqu’un qui séduisait avec humour tout en aimant provoquer. Lors de leurs conversations, ils ont parlé des principaux thèmes chers à l’artiste : l’art, la vie, la mort, les passions, son travail, ses amitiés, ses voyages, ses lectures, l’alcool, Picasso, Giacometti, Vélasquezsurtout qui est son peintre préféré. Malgré l’immense succès de ses toiles dont certaines atteignent des sommes astronomiques, il vivait dans de petits appartements très peu meublés. Bien qu’un temps décorateur, il détestait les intérieurs décorés. Paradoxe de l’artiste ! Ses ateliers sont célèbres pour leur désordre et l’accumulation de détritus et de saletés qu’il y laissait !
Dans ces conversations, Bacon se révèle un grand lecteur.
« Comment imaginer la vie sans lecture ? Sans les livres? C’est une source fabuleuse, un puits pour l’imaginaire." Il aimait parler de ses lectures mais pas de ses tableaux dont il disait : « Mes peintures n’ont pas à être lues au-delà de ce qui est vu »
Dans le dernier chapitre de son petit livre, Franck Maubert rapproche les deux homonymes célèbres:
Francis Bacon, le philosophe élisabéthain, le père de l’empirisme,(1561 – 1626) dont Francis Bacon , le peintre, se prétend l’un des descendants collatéraux, ce que sembleraient confirmer les recherches généalogiques.
Un autre curieux rapprochement entre ces deux hommes tiendrait à leur attirance profonde pour la décomposition des chairs du corps humain. Le philosophe, à la fin de sa vie, écrivit un texte « Sur le prolongement de la vie et les moyens de mourir. » où il explore les confins biologiques de la mort sur divers corps végétaux, animaux et humains
.Quant au peintre, on connaît sa prédilection pour les corps déformés et dégradés, les carcasses de viande, les crucifixions.
« Le philosophe comme le peintre expérimentent, ils partent du connu et se laissent guider vers l’inconnu en espérant trouver quelque chose, ils testent jusqu’à l’accident. Cet accident qui est à la fois le dérapage de la matière et son sujet principal, l’homme. Pour l’un comme pour l’autre, on passe du visible à l’invisible. »
C'est avec intérêt que j'ai lu ce petit livre parce qu'il me parle d'un peintre que j'aime mais s'il y a bien quelques photos prises par l'auteur, aucun tableau n'y figure, ce que je regrette beaucoup!
L’odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux par Franck Maubert ( Mille et une nuits, septembre 2009, 109 pages)
Le titre est la traduction d’un vers d’Eschyle (’Orestie – Les Euménides)