L’interminable tragédie
Par Castro Desroches
Le terrible tremblement de terre qui vient de dévaster Port-au-Prince et certaines villes de province a suscité à travers le monde un vaste mouvement de solidarité et de compassion envers le peuple martyr d’Haïti. Le président américain Barack Obama a réagi immédiatement en créant une Commission d’urgence dirigée par ses deux prédécesseurs George W. Bush et Bill Clinton. Le président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a officiellement offert de mettre une région fertile de son pays à la disposition des Haïtiens désireux de trouver refuge en dehors des frontières nationales. Dans un élan humanitaire remarquable, des secouristes venus de toutes parts ont répondu à l’appel de ce petit pays qui ne semble pas pouvoir atteindre une ère de répit après plus de 500 ans de turbulences coloniales et postcoloniales.
Des millions de dollars ont été déjà débloqués par la communauté internationale en vue de financer le vaste mouvement de sauvetage qui se fait actuellement sur le terrain. Pour la grande majorité des observateurs, Haïti a besoin d’une aide matérielle massive et urgente en vue de limiter les dégâts humains qui s’élèvent déjà à un nombre incalculable de victimes. Au-delà de l’immédiat, un travail titanesque de reconstruction sera nécessaire en vue de rendre fonctionnel le pays haïtien. A un tournant aussi dramatique, le rafistolage ne suffira pas. Aux grands maux, les grands remèdes.
En attendant des lendemains moins pénibles, chaque jour apporte dans la diaspora haïtienne sa litanie de nouvelles « imbibées de sang. » Nouvelles de destruction, de pertes en vies humaines et de famine. Images technicolors de la lutte dérisoire pour la survie au milieu des ruines. Images apocalyptiques d’une Haïti ravagée par un fléau encore plus dévastateur que les pires dictatures de notre tumultueuse Histoire. Les Haïtiens de l’étranger redécouvrent avec horreur l’étendue du dénuement qui frappe « l’amère patrie. » Un sentiment d’impuissance, de malaise et de culpabilité vient s’ajouter à la tristesse que provoque le spectacle de tant de malheurs. Comment avons-nous permis à un si beau pays de descendre si bas ? Aucun Haïtien ne pourra désormais se dédouaner de ses responsabilités dans la débâcle nationale.
Avec cette catastrophe Haïti devient davantage un pays en faillite, un pays assisté, sinistré et dépendant de la bonne volonté de la communauté internationale. Haïti va-t-elle s’enfoncer irrémédiablement dans sa douloureuse agonie ? Va-t-on assister au contraire à un sursaut national en vue d’engager ce pays vers la voie de la modernité ?
Aujourd’hui, les puissances amies d’Haïti se battent pour la distribution de l’aide humanitaire. La France a même accusé les États-Unis de vouloir imposer sinon une occupation, du moins un monopole dans la logistique des opérations de sauvetage. C’est la ruée vers Haïti. Aucune puissance qui se respecte ne veut être accusée aujourd’hui de non-assistance à pays en danger. Qu’en sera-t-il demain lorsque les caméras de la télévision étrangère seront fatiguées d’enregistrer les mêmes images déprimantes de misère extrême et de désolation ?
Ce qui est évident, c’est que l’avenir de ce pays ne semble pas très radieux si l’on tient compte du comportement énigmatique de ce qui tient lieu de gouvernement en Haïti. Refugié dans son solennel silence, le président René Préval semblait avoir tout bonnement disparu dans les décombres. Il a finalement refait surface miraculeusement à l’Aéroport international de Port-au-Prince sous les yeux étonnés des journalistes de la CNN. Pour un peu, on aurait cru qu’il s’apprêtait à prendre le premier avion en partance pour Miami, « son » palais et sa résidence privée ayant été détruits. Le président Préval aura beau clamer et proclamer qu’il est encore vivant. L’impression générale, c’est que symboliquement, il a disparu avec le Palais National.
Le moment n’est certainement pas à la polémique mais un peu plus de leadership serait dorénavant particulièrement apprécié. Ne serait-ce que pour sauver les apparences. Autrement, au-delà de la tragédie, nous risquons de passer davantage pour une caricature de pays. Une grande savane désolée dirigée par des zombis en cavale.
La générosité des partenaires internationaux et des sympathisants à la cause haïtienne est plus qu’évidente. Cependant, sans vouloir sombrer dans un nationalisme étroit, il s’agit en fin de compte de notre pays à nous. Nous ne pouvons plus continuer à demander aux étrangers d’être plus haïtiens que les Haïtiens eux-mêmes.
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