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Par Toréador | janvier 27, 2010
A las cinco de la manana…
Agora
Week-end cinéphile. Je suis en effet allé voir deux excellents films dont il m’a paru intéressant de faire l’éloge et la critique, en plein débat sur la burqa. Le premier s’appelle Agora, film d’Alejandro Amen qui met en lumière une époque méconnue, la fin de l’Antiquité romaine. Nous sommes au Vème siècle après Jésus-Christ, à Alexandrie, et Agora raconte la chute de la Grande bibliothèque, sur fond de guerre des religions entre les anciens cultes polythéistes, le judaïsme et le christianisme.
On voit dans Agora ô combien le christianisme neuf et vigoureux a pu être à la fois transgressif, agressif et inquiétant face à un pouvoir politique en décomposition. On croit y revoir l’Islam d’aujourd’hui. Le message central du film est moderne : la sagesse scientifique incarnée par l’Héroïne, fille du dernier directeur de la Grande Bibliothèque, est vaincue par un Christianisme qui ne tolère pas de rival et encore moins de rivale.
Le pouvoir religieux, fanatisé, se débarrasse de ses adversaires et de ses anciens alliés – les juifs – un peu comme les Bolchéviks ont éliminé les Menchéviks après la chute des Blancs. Pour vaincre, l’évêque d’Alexandrie reconstruit le message du Christ : la femme doit être soumise et le juif est déicide.
Rares sont les films qui parlent de la coexistence de religions s’éliminant entre elles sur un laps de temps très court. Agora est un film politique sur la coexistence de civilisations et de cultures, le fanatisme et la nature profonde de l’homme : ces gens qui s’entretuent sont tous des fils et filles d’Alexandrie. La foi les a divisés.
Invictus
Invictus, le dernier film de Clint Eastwood, est un excellent contrepoint. Changement d’époque et renversement de situation : nous sommes dans l’Afrique du Sud des années 90 et le Politique (incarné par Mandela parvient à ressouder – l’espace d’une coupe du monde – les peuples qui s’étaient affrontés culturellement pendant un siècle. On repense à une certaine victoire blanc-blanck-beur de 1998.
Ce qui frappe dans Invictus c’est que le Christ s’incarne quasiment dans Nelson Mandela, Bouddha de sagesse et de tolérance. Le dépassement de soi au nom de l’intérêt national et l’exemplarité personnelle comme vertu sont les deux armes de Mandela.
Le film est beau, tout simplement. Prévoyez les mouchoirs…
Démocratie, culture et identité
Mis bout à bout ces deux films parlent du même sujet : la coexistence des cultures, le rôle du politique pour maintenir l’unité nationale, la responsabilité du plus grand nombre de protéger les droits du vaincu/de la minorité.
Dans Invictus, l’unité nationale n’existent pas, comme le montrent la différenciation de langages entre blancs et noirs, le rejet de l’hymne national par les premiers et de l’équipe de rugby par les seconds, le choix de drapeaux divergents. On se demande où est l’identité nationale en France, la réponse est plus haut : la langue, le drapeau, l’hymne. Le message d’Eastwood est que la tolérance est la clé, si elle est mise au service d’une vision.
Dans Agora, l’unité nationale existe mais ces similitudes se battent pour être des altérités. Là aussi on se bat pour des symboles : la conquête de la Grande bibliothèque, les statues des Dieux, la primauté du religieux qui « convoque » le politique à la messe et lui ordonne de se soumettre. Rien n’arrête le mécanisme infernal de la destruction, jusqu’à la chute de l’Empire. La « Nelson Mandela » du film, parce qu’elle n’a pas de vision à proposer, suit le chemin exactement inverse de celui emprunté par le leader de l’ANC, du pouvoir vers la geôle, avant de disparaître au profit de l’Evêque, qu’on canonise. La connaissance est annihilée par la Foi.
Oui, Agora et Invictus, Romulus grec et Remus romain se renvoient idéalement leur image, parce que chacun parle d’un Sage à son époque face au fanatisme.
Je vous invite à aller les voir, et ensuite à repenser à la polémique sur la Burqua ou le débat sur l’identité nationale sous un autre jour.
Appréciation subjective :Agora : ***, Invictus ****
* = Déçu ** = Captivé *** = Emballé
P.S : Et au pire, il y a « Gainsbourg : une vie héroïque », pas mauvais non plus…