Le Désert et la Grâce - Claude Pujade-Renaud - Editions Actes Sud
Le roman embrasse un siècle entier, celui pendant lequel Richelieu, puis Louis XIV et les jésuites, vont lutter contre l’influence de ces hommes et femmes qui choisissent de vivre hors du siècle.
Un petit rappel : Pour les jansénistes, Dieu accorde sa grâce par avance, à ceux qui la mérite par pure miséricorde. La liberté de l'homme existe encore, mais est très limitée. Ainsi, celui qui est prédestiné au mal, ne peut en aucun cas se retourner vers le bien.
Le Jansénisme fut diffusé en France par Saint Cyran. Le mouvement gagna la famille Arnaud, les religieuses de Port Royal et une partie de la noblesse.
C’est un spectacle macabre qui ouvre le roman : l’Abbaye n’existe plus mais le cimetière est toujours là ; les corps et ossements des hommes et femmes inhumés ici sont jetés à la fosse commune sur ordre du Roi. La volonté du pouvoir est d’effacer toutes traces du Jansénisme et des hommes et femmes qui y adhéraient.
Le couvent a été rasé, les religieuses dispersées et contraintes d’abjurer leur foi sous peine d’être privées de sacrements et de sépultures chrétiennes.
En but aux persécutions certains sont emprisonnés, d’autres sont partis en exil, ils peuplent ce roman de leur ombre.
Mais les personnages centraux sont deux femme, deux personnages magnifiques de foi, d'orgueil et de dévouement.
Françoise de Joncoux dite « l’invisible » qui porte secours, soigne, assiste et « consacrait une partie de ses nuits à ce labeur : multiplier les copies afin d’éviter tout risque de perte, en répartir chez des connaissances sûres pour parer à l’éventualité d’une perquisition et d’une saisie, les expédier aux Pays-bas où ils seraient relus, préparés, annotés par les jansénistes exilés puis, une fois imprimés, seraient clandestinement diffusés en France. »
Marie-Catherine Racine, fille de Jean, elle aurait voulu prendre le voile mais son père la força à quitter Port-Royal parce qu’il « défendait sa liberté d’écrire, sa carrière tout juste montante d’auteur de théâtre »
Elle essaie de comprendre pourquoi son père après avoir été élevé par les Solitaires, a renié ses amis mais a choisi de se faire inhumer Port-Royal.
Leurs amis : Claude Dodart médecin bien en cour et dont le père fut médecin de l'abbaye, Charlotte de Roannez, Jacqueline Pascal la soeur du philosophe, Angélique Arnaud enfin figure tutélaire de l'Abbaye
Angélique Arnauld peinte par Philippe de Champaigne
Leur ennemie : Madame de Maintenon qui les poursuit de sa hargne « Il fallait absolument anéantir ce monastère et ce parti. Reste à les extirper des mémoires »
Claude Pujade-Renaud ressuscite pour nous Port-Royal des Champs, haut lieu de résistance au pouvoir royal, elle restitue magistralement ces personnages qui vivent dans une atmosphère de secret, de crainte et de solitude.
Elle sait faire d’un sujet austère une magnifique fresque tout en finesse et dans une langue qui se veut fidèle à l’esprit du temps.
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