Un truc de malades, comme il n'y en a que quelques-uns par siècle. Une idée de José Alfarroba, directeur du théâtre de Vanves, pour l'ouverture d'Artdanthé,
alors que Pina Bausch était encore des nôtres : 33 artistes (chorégraphes, metteurs en scène, plasticiens, vidéastes), 33 éclairages, 33 musiques, une cinquantaine d'interprètes (dont un invité
franchement mineur au moment des faits), 4 minutes par artiste, et une grosse heure de retard à la générale.
Montre-moi (ta) Pina (cl. Jérôme Delatour - Images de danse)
4 minutes pour convaincre, le temps d'une exécution. Dans le hall d'entrée, en attendant l'heure fatidique, il y a les traqueux qui se remontent au ballon de rouge ou qui sortent griller leur
dernière cigarette. Andrea Sitter se commande une assiette de bleu (mais pas du roquefort ! c'est trop fort), Viviana Moin demande qui veut se dandiner devant elle juste pour voir. Yves-Noël Genod
se promène cool, un tourteau passe à toute allure.
Rendre hommage à Pina Bausch en 4 minutes, comment faire ? La morte impressionne. Et, paradoxe, la jeune génération ne la connaît quasi que par ouï-dire. Déjà une icône. Au fil d'une trentaine de
numéros, les stratégies forment des statistiques. Il y en a qui insistent sur l'absence et le funèbre : plateau vide, nature morte improvisée, seuls couchés sur la scène, ou mimant un duo. Beaucoup
conjurent la mort par l'humour, grand-guignol ou décalé (Kataline Patkaï indienne, Marta Izquierdo-Muñoz burlesque, Ami Garmon crustacée, Viviana Moin médium, Andrea Sitter... Andrea Sitter). Un
trio désopilant et parfaitement réglé feint de mésinterpréter le titre du spectacle. D'autres témoignent plus directement, généralement avec une pointe d'autodérision (Marie-Jo Faggianelli et
d'autres - pardon pour les noms, tout cela s'éclaircira avec le temps...). D'autres esquivent avec brio (Yves-Noël Genod en éventail et chaussettes), d'autres débarquent juste d'une autre planète
(Mr X & Mr J). Les vidéos, toutes réussies pour une fois, rejouent les codes bauschiens. D'autres enfin dansent, tout simplement, et c'est peut-être eux qui méritent la palme de l'émotion. Dans
ce registre, Guesch Patti (ancienne interprète de Pina) se montre parfaite de retenue et d'intensité. Idem pour Raphaël Cottin, et pour ce blond danseur dont je désespère de retrouver le nom,
admirable dans sa grande robe rose (photo !).
Les clichés sont là nombreux, mais c'était un choix délibéré de José Alfarroba : des tombereaux de deux-pièces, de robes de satin rouges et noires, de talons aiguille, de seaux d'eau, de chaises,
de fleurs déversées, de valises, de tubes de Purcell, de cheveux longs... Au reste, pas mal d'hommes à poil ou en robe. Une révolution bauschienne a bien eu lieu.
Un tel projet comporte fatalement des faiblesses, selon le temps et l'engagement des uns et des autres. Mais avec une telle variété de propositions, chacun est assuré de trouver son bonheur.
Voilà, la mère est tuée, il reste à s'occuper du père. Charmatz l'a déjà un peu fait. Après
Montre-moi (ta) Pina, j'attends un Montre-moi ton Cunni(ngham). Et cette fois, il faudra faire preuve d'encore plus de technique. Allez José, pour 2011... chiche ?
♥♥♥♥♥♥ Pina B. vue par…, Montre-moi (ta)
Pina, est créé au théâtre de Vanves les 25 et 26 janvier 2010 dans le cadre du festival Artdanthé.
Les photos arrivent bientôt !