Actes Sud
96 pages
Résumé:
La cuisine russe se veut à la fois "ethnologie" d'une nourriture, livre de souvenirs, recueil de recettes. Custine, Dumas, Gautier et d'autres se sont penchés, en leur temps, avec perplexité ou enthousiasme, sur cet art culinaire qui leur a paru souvent très exotique, alors qu'aujourd'hui le mot blini est entré dans le vocabulaire courant.
"On ne naît pas russe, on le devient", ai-je envie de dire. Durant l'été 1944, la Croix-Rouge russe avait organisé à Gif-sur-Yvette, près de Paris, un camp de vacances pour les enfants de l'immigration. Tout le monde ici était russe, tout le monde parlait russe, et le dimanche les parents venaient en visite et organisaient des fêtes russes. Le matin, on nous servait de la bouillie d'avoine, de l'ovsianka, qu'on appelait kacha, il fallait la manger et on la mangeait, nous étions des enfants rachitiques à qui on avait inculqué qu'"on ne doit pas gâcher la nourriture".
Dans ma jeunesse, en France, je savais que je n'étais pas tout à fait français parce qu'à la maison nous mangions une autre cuisine et que j'allais dans de drôles d'épiceries comme celles décrites par Nina Berberova, où, "outre les conserves de caviar d'aubergine et de poivrons farcis, on trouvait toutes les variétés de vodka et de liqueurs, de caramels Moskva, des pirojki, et dans un coin, sur une étagère, des icônes et des cuillères en bois peintes"...
De la vodka au kvas, des blini à la kacha, du koulibiac aux goloub-tsy, de la paskha à la koutia, du caviar aux cornichons, aux champignons marinés... bref, les mets simples constitutifs de la cuisine russe... tout est passé en revue dans ce livre, expliqué, décortiqué, quasiment prêt à être dégusté.
Mon commentaire:
Dès le début de ce livre, l'auteur nous offre un extrait en épigraphe, tiré de Guerre et Paix de Tolstoï:
"Le gouverneur allemand essayait de garder en mémoire toutes les sortes de plats, de desserts et de vins, dans l'intention de tout décrire en détails dans une lettre adressée aux siens en Allemagne..."
J'y ai vu une sorte de clin d'oeil à ma lecture du moment, ce qui commençait bien ma rencontre avec ce livre culinaire.
Sorte d'ovni littéraire, La cuisine russe n'est pas tout à fait un livre de recettes, ni tout à fait un essai. Joyeux mélange de souvenirs d'enfance, de descriptions de plats, d'extraits littéraires, de recettes aussi et d'idées sur la Russie, La cuisine russe de Michel Parfenov offre un tour d'horizon culinaire de la russie, un voyage russe à travers ses plats et ses particularités culinaires. L'objet-livre est particulièrement soigné et intéressant. Un signet sous forme de ruban est cousu au livre. Sous un format tout en longueur et une couverture cartonnée se cache un texte assorti d'illustrations monochromes, issues de la culture culinaire russe, allant de croquis de plats divers jusqu'aux scènes de vie russe, en passant par les affiches de restaurant et les annonces de petites boutiques.
L'auteur nous amène dans l'histoire russe en nous plongeant littéralement dans l'histoire de sa cuisine. Chaque chapitre traite d'un aspect de l'histoire culinaire russe et est assorti de recettes. Qu'il nous parle de la famine en Russie, des anecdotes qui y sont reliées, des impressions des voyageurs sur la cuisine russe, de l'importance du pain à tous les repas ou de la place que prennent les éléments de base de la cuisine russe - champignon, choux, farine, crème - le texte se lit comme un roman. On y apprend beaucoup de chose sur l'univers culinaire des russes et l'idée d'incorporer au texte des extraits de journaux d'époque d'hommes littéraires ou de romans, augmente encore plus l'intérêt du volume. Ce n'est pas qu'un simple livre de cuisine, mais un objet littéraire en soit.
Une très belle découverte que ce livre vers lequel je ne serais pas allée d'emblée. mais qui m'a attirée à cause de mes lectures russes du moment. Un ouvrage qui nous amène au coeur de la culture quotidienne d'un peuple: la cuisine. L'objet est beau, le texte est un vrai plaisir!
Un extrait:
"Les Russes ont deux boissons nationales: le kvas, sorte d'eau de seigle légèrement fermentée, et le thé, dont en Russie l'usage est presque aussi général qu'en Chine. La bouilloire à thé, le samovar de cuivre, est toujours le premier ustensile de ménage: il n'est si pauvre cabane qui en soit dépourvue." p.28