Cela fait un mois maintenant que le ton est monté entre Washington et Pékin. Si les sujets de discorde ne manquent pas, c'est sur la question d'internet et de sa régulation que les échanges d'amabilités se sont enchevêtrés. Il faut reconnaître que la thématique est sensible, en particulier pour la Chine, pour qui la "grande toile" représente un risque pour la stabilité du régime.
Le 12 janvier dernier, Google exprimait son mécontentement après avoir constaté de nombreuses tentatives de piratage de ses serveurs (de "l'hameçonnage ciblé" principalement). Selon le géant américain, la source de ce "hacking" serait en Chine et il accuse directement les autorités communistes d'en être les commanditaires. Google remet alors en cause son implantation dans "l'empire du milieu" et par la même son partenariat avec le gouvernement chinois et le respect de la censure instaurée jusqu'alors.
Depuis, Google a mis de l'eau dans son vin. Pour certains analystes, il s'agissait là d'un coup de bleuf, destiné à contraindre Pékin à lâcher du lest. Mais l'affaire a pris un tour plus politique lorsque la Secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a déclaré que "les personnes ou les pays qui lancent des cyberattaques devront en subir les conséquences", menace à peine voilée à l'adresse de son homologue chinois. Joignant le geste à la parole, dans son discours du 21 janvier, elle définissait une "nouvelle stratégie cybernétique", érigeant les Etats-Unis en gardien d'internet et de la liberté d'expression qui y court.
Une information, d'une importance certaine, est pourtant passée inaperçue. L'Inde s'est plainte, elle aussi, d'attaques pirates visant plusieurs de ces agences de sécurité. Rien de grave, mais là encore, la piste chinoise est prioritaire. Internet devient donc un enjeu tout autant qu'un terrain d'affrontement entre grandes puissances.
Evgeny Morozov du Foreign Policy, voit d'ailleurs dans le discours d'Hillary Clinton, les prémices d'une cyberguerre froide : "J'ai été déconcerté par l'importance de la rhétorique de guerre froide qu'elle a réussie à introduire. Multiples références à 1989, chute du mur de Berlin [...] C'est comme si les vingts dernières années et la globalisation n'avaient jamais existé". Relevant certains non-dits (ex : comment le Département d'Etat facilitera le travail des sociétés améiricaines dans des pays sous le coup de sanctions économiques de la part de Washington), l'auteur regrette des propos sans réelle portée : la stratégie cybernétique américaine est en fait déjà en place depuis le début des années 2000, et pourtant la liberté d'expression va de mal en pis...