Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a appelé Paris à "s'assurer que toutes les personnes" arrivées clandestinement en Corse puissent demander l'asile et bénéficier d'un "examen complet et équitable" de leur situation. Selon le HCR, les 124 personnes découvertes vendredi sur une plage corse ont été dirigées samedi vers des centres de rétention à Rennes, Marseille, Toulouse, Lyon et Nîmes.
Lorsqu'une personne est placée en centre de rétention administrative (CRA), sa demande d'asile fait l'objet d'une procédure accélérée, dite prioritaire, non susceptible de recours suspensif, a souligné William Spindler, porte-parole du HCR en France. "Cette mesure est destinée aux personnes qui sont depuis quelque temps sur le territoire et qui n'ont pas fait de demande d'asile auparavant. Ce qui nous inquiète, c'est qu'ils soient placés en situation prioritaire. Le délai est court d'autant que la période de rétention a commencé en Corse dans le centre sportif dans lequel ils ont été hébergés", et non dans les CRA ont ils ont été transférés samedi, a poursuivi M. Spindler.
Le président de France Terre d'Asile, Pierre Henry, s'est lui aussi inquiété de la rapidité avec laquelle les clandestins ont été placés sous le régime de la rétention administrative. Lorsqu'un clandestin est placé en CRA, il fait l'objet d'un avis de reconduite à la frontière qu'il a 48 heures pour contester. Il peut déposer une demande d'asile dans les cinq jours à laquelle l'Ofpra doit répondre en 96 heures. Si sa réponse est négative, il n'y a pas de recours suspensif. "Il aurait suffi que [les autorités les placent en] zone d'attente, je n'arrive pas à comprendre la précipitation du gouvernement dans cette affaire", a confié M. Henry.
"La protection des droits doit l'emporter sur les mesures sécuritaires", surenchérit Amnesty International (AI), dans un communiqué dimanche. Avec la notification "en grande précipitation" d'un arrêté de reconduite à la frontière et leur placement en CRA, "on voit mal dans de telles circonstances comment leur situation a été examinée individuellement comme annoncé par le ministre" de l'immigration Eric Besson, juge l'association. L'organisation de défense des droits de l'homme demande que le "procédure normale" leur soit appliquée.
LE MINISTÈRE DE L'IMMIGRATION DÉFEND LA PROCÉDURE
"Le droit est bafoué, il y a détournement de la loi", a renchéri Jean-Paul Nunez, délégué national de la Cimade en Languedoc-Roussillon. "Dans l'ordre des choses, on traite d'abord les dossiers de demande d'asile et après éventuellement, on place en CRA. Là, c'est l'inverse qui a été choisi".
Mais pour le ministère de l'immigration, "les procédures légales ont été respectées". "Depuis le début de la procédure, ces personnes sont mises en mesure d'exercer l'ensemble de leur droit et bénéficieront dans les CRA d'une assistance juridique", ajoute le ministère.
La Ligue des droits de l'Homme (LDH) se montre également très critique. "Là, on traite tout réfugié qui arrive en France comme immédiatement expulsable sans connaître son histoire, c'est invraisemblable", a déclaré Jean-Pierre Dubois, président de la LDH. "Les droits les plus élémentaires de ces personnes sont grossièrement violés", déplore la LDH dans un communiqué cosigné par la Fédération internationale des droits de l'Homme, le réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme et l'association européenne des droits de l'Homme.