Le dernier mouvement de la sonate en la bémol majeur N°31 opus 110 pour piano de Beethoven représente l'un des morceaux de musique qui m'ont le plus bouleversé. Ce mouvement comprend deux parties distinctes : un adagio (ma non troppo) qui instaure, avec la plénitude affirmée des accords de ses toutes premières mesures une gravité et une tension qui ne cessera de marquer le climat général de ce mouvement, puis une fugue (fuga, allegro, ma non troppo) qui fait atteindre à cette pièce, comme souvent dans les pus grandes sonates de Beethoven, une dimension quasiment métaphysique.
C'est incontestablement Emil Gilels, déjà malade, qui m'a le plus bouleversé dans cette version de la sonate N°31. Version d'un désespoir et d'une noirceur rare (enregistrement sous le label Deutsche Grammophon) dans le cadre d'une intégrale entamée dans les années 80 et qu'il n'a jamais pu achever.
Je vous propose également cette version assez prenante et d'une intensité impressionnante par Rudolf Serkin, l'un des maîtres dans l'interprétation des dernières sonates de Beethoven. Si on ne retrouve pas forcément la clarté du propos d'un Gilels ou la limpidité d'un Arrau, notamment sur la dernière partie du mouvement, on ne peut être que troublé par la vitalité du jeu d'un homme de... 84 ans ! (enregistrement d'un concert donné en 1987).