Chronique du lundi 25 janvier 2010.
Les résultats de la Coupe d’Europe ont prouvé ce week-end que le rugby anglais n’est pas au mieux. Un seul qualifié en H Cup, ce n’était jamais arrivé encore. Et si on place en parallèle les résultats de l’équipe nationale anglaise, c’est vraiment une grande nation du rugby qui souffre. Alors même s’il y a de quoi se réjouir pour les anglophobes, il faut s’interroger sur cette tendance. Est-ce chronique ou durable ?
Des clubs durement touchés par la crise mais pas seulement.
C’est vrai que la crise économique a touché de manière plus violente le Royaume Uni que la France et les clubs anglais gérés comme des entreprises, ont, pour beaucoup, été obligés de prendre des mesures drastiques pour survivre. Le club de Sale est un exemple frappant. Il a laissé partir la moitié de son effectif ce qui a notamment fait le bonheur du club de Toulon ( St André, Lamont, Fernandez Lobbe, Bruno ) sans parler de Chabal au Racing-Métro. C’est vrai aussi qu’un nombre important de joueurs anglo-saxons comme Haskell, Flutey et Palmer ( Wasps ), Erinle ( Leicester ), Lund ( Sale ), Perry ( Bristol ) et autres Southwell ( Edimbourg ) ou White ( Sale encore ), sans parler des français Dupuy et Keyser ( Leicester ), sont venus enrichir le championnat de France tout en appauvrissant celui en Angleterre. Néanmoins, ce n’est pas la crise, ou du moins économique, qui explique que sur les 6 qualifiés anglais, 2 équipes étaient déjà déstructurées avant même de commencer la compétition : les Harlequins, avec l’histoire du Bloodgate qui a vu la démission de Dean Richards et a laissé une équipe traumatisée, et Bath, déstabilisé par une histoire de cocaïne qui a vu 4 joueurs et non des moindres, obligés de quitter le club.
De même, ce n’est pas la crise qui est directement responsable du fait que ne figuraient pas dans les clubs anglais qualifiés en H Cup les équipes des Wasps, double vainqueur de la H Cup, et des Saracens qui, depuis le début de la saison, joue les premiers rôles dans le championnat anglais. Ce n’est pas la crise non plus, qui explique que les équipes de Leicester et Gloucester sont dans une phase intermédiaire dans leur évolution et que Northampton et les London Irish, les 2 clubs qui ont eu les meilleurs résultats en H Cup, sont encore des équipes qui manquent d’expérience au niveau européen et, face à des géants comme le Munster et le Leinster, qui n’ont pas su, lors du match décisif, avoir le sang-froid suffisant pour battre leur adversaire.
Le championnat d’Angleterre me semble en pleine phase de mutation. Mis à part Leicester qui, de par la force de sa domination régionale et de sa structure financière, est capable de pérenniser ses résultats, les autres équipes habituées du haut de tableau sont en perdition. Les Wasps connaissent actuellement un mieux mais l’après Dallaglio est loin d’être assuré pour un club pourtant formateur, Gloucester, Bath avant avant dernier actuellement, Sale et les Harlequins ne jouent plus les premiers rôles. C’est maintenant au tour de Northampton, qui se reconstruit après être passé en 2ième division, les Saracens, qui ont enfin des résultats au niveau des investissements de Nigel Wray le président, les London Irish, dont le jeu à hauts risques et la qualité des entraîneurs commencent à payer, et même Newcastle qui revient montrer le bout de son nez. C’est rafraîchissant pour le rugby anglais de voir une telle évolution qui ajoute du piment à la compétition mais cela a un prix, notamment vis à vis de la Coupe d’Europe. En effet, les meilleurs clubs, cette année, comme Northampton et les London Irish manquent d’expérience dans cette compétition et quand, en plus, ils se retrouvent contre ce qui se fait de mieux en Europe, les provinces Irlandaises du Munster et du Leinster, il manque quelque chose pour que ça passe. Mais en ce qui les concerne, ce n’est que partie remise…
Entre 3 clubs, Sale, Halequins et Bath, qui n’avaient pas les armes, cette année, pour vraiment défendre leurs chances, 2 clubs, Leicester et Gloucester, qui sont soit en fin de cycle soit au début d’un nouveau et les 2 derniers, Northampton et London Irish, qui ont manqué d’un brin d’expérience et de chance pour exprimer totalement leur potentiel, le résultat brut pour cette saison est sévère pour un rugby anglais qui doit, en plus, actuellement faire le dos rond pour cause de crise économique, mais devrait très vite revenir très fort dans la compétition.
Une équipe nationale qui se cherche.
Le problème pour le rugby anglais, c’est que l’équipe nationale, aussi, connaît une mauvaise passe. Enfin, c’est plus qu’une passe, car mis à part l’embellie de la Coupe du Monde 2007, l’Angleterre est en déclin depuis son titre de 2003. Quand est-ce que va s’arrêter la descente ? Dès ce Tournoi ou la chute durera t’elle jusqu’à la Coupe du Monde 2011 ? Difficile de répondre comme cela, mais il est certain que plusieurs facteurs rentrent en compte et ceux-ci ne semble pas jouer en faveur du renouveau anglais.
D’une part, le rugby anglais se trouve au milieu du guet en termes de joueurs. D’un côté la génération championne du monde encore en activité avec les Vickery, Shaw, Moody, Worsley, Tindall, Wilkinson, Thompson et de l’autre celle qui représente le futur de l’Angleterre avec les Hartley, Cipriani, Foden, Cole, Lawes, Youngs, Care, Croft, Wilson, Crane, Monye, Strettle,… Au milieu de cela, une génération avec d’excellents joueurs comme Flood, Hipkiss, Rees, Haskell, Sackey, Tait, Goode, Cueto, Payne, Mears mais qui n’a pas su se faire une place au soleil. Et pour le moment, l’Angleterre détient une équation entre ces 3 dimensions qui est loin d’être résolue, notamment pour cause de déséquilibre trop favorable à l’ancienne génération.
Car, et c’est là le deuxième facteur important, le sélectionneur anglais, Martin Johnson a du mal à accepter la part de risque associée au poste. Il cherche à se rassurer avec des joueurs qui ont déjà prouvé leur niveau, la génération 2003, mais qui, de plus en plus, ne peuvent prétendre à hausser celui de leur équipe. En refusant d’incorporer les jeunes joueurs capables d’amener de la fraîcheur et surtout la capacité physique de construire l’équipe de demain, il se prive des forces vives du rugby anglais et ne fait que repousser d’autant une évolution inéluctable. Cet arbitrage pourrait être celui entre résultats actuels et construction en vue de la prochaine Coupe du Monde. Mais même pas, au vu des résultats récents de cette équipe. Non seulement Martin Johnson ne prépare pas la prochaine Coupe du Monde mais il n’a pas, non plus, la capacité à assurer des résultats immédiatement.
Les résultats de l’équipe d’Angleterre dépendent beaucoup de la capacité de Martin Johnson a évoluer. C’est un jeune manager qui n’a jamais exercé au niveau d’un club. Il s’est trompé en voulant construire sur une génération trop vieillissante pour lui amener des résultats. Ca peut arriver mais c’est maintenant à lui de prendre des décisions fortes pour donner une chance à cette équipe d’être performante très vite. L’annonce du premier squad en vue du Tournoi parait aller dans le bon sens avec l’intégration des Lawes, Ashton, Foden, Wilson, Hartley ou Croft. Pourtant, la présence des Thompson, White, Moody, Shaw, Borthwick, Mears et Wilkinson laisse encore planer le doute sur ses intentions. L’annonce de la première composition d’équipe de l’année donnera la tendance et le rapport de force entre anciens et modernes. Martin Johnson n’a pas le choix, il doit faire preuve d’ouverture d’esprit pour donner à l’Angleterre une chance d’être compétitive en 2011. Ouverture d’esprit ? Ce n’est pourtant pas la qualité première que j’ai gardé en mémoire de celui qui a été un formidable seconde ligne…