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UN POU D'ORGUE, mini-feuilleton en 17 épisodes (suite du 24 janvier)

Publié le 24 janvier 2010 par Christian Cottet-Emard

La version 2009 intégrale de ce mini-roman humoristique que j'ai écrit en 2008 est parue en édition pré-originale dans la revue des éditions Orage-Lagune-Express qui en conservent l'entier copyright. Tous droits réservés.

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Photos du lac : MCC

14
En cette fin d’après-midi caniculaire, la vieille Jacinthe trottinait sur le chemin qui entoure le lac. Elle ne croisa que deux amoureux qui avaient l’air contents d’eux-mêmes. Elle bifurqua prestement entre deux saules, à l’entrée d’un sentier spongieux qui serpentait dans la tourbière. Elle était sans doute une des dernières de sa génération à connaître chaque pierre qui permettait de traverser la tourbière sans risquer d’abandonner une chaussure dans cette vaste éponge. Il fallait encore marcher cinq minutes dans une zone un peu moins humide où se risquaient de petits épicéas. Protégée de tout regard indiscret par des buissons d’épines, il ne lui restait qu’à continuer quelques dizaines de mètres en direction des roseaux. Arrivée au bord de la frayère, elle s’assit avec peine sur la grosse pierre où elle avait jadis un peu flirté avant de commencer sa carrière au service de la paroisse. Elle quitta ses chaussures et trempa avec délice ses pieds tout frippés dans l’eau claire. L’Esprit du lac qui n’aimait rien tant que se disperser dans les saules et les noisetiers se concentra tout entier dans la frayère puis dans le reflet de la jupe de la vieille Jacinthe avant de remonter jusqu’au fond de ses yeux gris avec des nuances d’un vert tendre.

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L’eau prit aussitôt la même couleur et lorsque la vieille Jacinthe se pencha, elle vit remonter des profondeurs du temps le frais visage de la jeune fille qui vivait toujours en elle. Il en était ainsi chaque fois qu’aux beaux jours, la vieille Jacinthe venait s’asseoir sur la grosse pierre au bord de l’eau mais cette fois-ci, la magie s’interrompit plus tôt que d’habitude. Quelques feuillages frissonnèrent et des broussailles trahirent des pas hésitants. La vieille Jacinthe scruta un bosquet de saules. Elle reconnut alors le diacre Maximin Bedon qui errait tout nu et hagard entre le lac et la tourbière à la recherche d’un passage vers la terre ferme.
15
La jeunette déambulait dans la grande maison de Stockholm. Dans un premier temps, elle s’était réjouie de pouvoir travailler seule, à son rythme, sans avoir à se préoccuper du regard sourcilleux de la gouvernante ou des manies du professeur Bang. Mais maintenant qu’elle avait capturé jusqu’au dernier mouton qui pouvait encore se réfugier sous un lit ou une armoire, elle ne savait plus comment tuer le temps. En une semaine, le professeur n’avait téléphoné qu’une fois pour réclamer ses gigantesques culottes et ses pastilles Zéphyr. Elle confectionna le colis et le porta aussitôt à la poste où elle se débrouilla pour faire comprendre au jeune guichetier qui lorgnait son décolleté qu’il pourrait bénéficier d’un spectacle complet s’il savait lire dans les yeux d’une jeune femme esseulée et dans la rubrique « adresse de l’expéditeur » sur le formulaire d’envoi. Le serviable postier reçut le message cinq sur cinq et se présenta le soir même auprès de sa cliente impatiente de bénéficier de sa conversation. Hélas, la conversation se limita à quelques hahanements suivis de ronflements satisfaits. Elle le savait pourtant qu’avec les jeunes, c’était souvent rapide et bruyant. Une de ses amies avait essayé un homme mûr, plus lent au démarrage, affirmait-elle, mais, comme les vieilles voitures, bien lancé en troisième. Dans le lit à peine défait, la jeune femme se demandait quel homme mûr elle pourrait essayer. Pas le professeur Bang, tout de même !

À suivre... Prochain épisode mardi 26 janvier 2010.

© Éditions Orage-Lagune-Express, 2009.


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