Il y a deux ans, Konstantin Gropper se faisait un nom sur la scène indépendante sous l'identité Get Well Soon. L'album "Rest Now, Weary Head !" mariait avec harmonie ambition symphonique et pop song façon Radiohead. Son deuxième album "Vexations" pousse un peu plus loin le curseur vers le classicisme en piochant chez Erik Satie ou Sénèque...
Le premier album avait été composé sur une période de cinq ans, votre deuxième disque « Vexations » n’a pris que deux ans. Etait-ce plus difficile ?
Le premier album est souvent un best of des années précédentes. Cette fois-ci, les choses se sont passées différemment, sur des périodes plus concentrées. J’ai pris cinq-six mois pour l’écrire puis deux mois pour tout enregistrer. Je m’améliore.
Toutefois, le disque sonne un peu comme le premier…
J’ai travaillé un peu de la même façon pour les deux, en essayant d’expérimenter avec divers instruments. Sauf que là, j’ai fait appel à de vrais musiciens et je les ai enregistrés dans un studio. Ce ne sont plus de simples programmes informatiques. Le son est plus chaleureux, plus humain.
La tournée suivant le premier album vous a-t-elle aussi aidé ?
L’énergie de la tournée se retrouve très certainement dans ce deuxième album. J’ai d’ailleurs gardé les musiciens qui m’accompagnaient.
Les thèmes abordé dans « Vexations » semblent plus humain…
Ceux sont les mêmes que ceux du premier album, mais l’écriture a évolué. Dans mon premier disque, il y avait plus de métaphores. Là, j’ai fait de nombreuses recherches en amont pour trouver des citations intéressantes. Puis je les ai transformés en paroles de chansons. Plutôt que de venir avec mes propres images, je voulais piocher dans le travail des autres. C’était très amusant. Surtout que je pouvais en faire ce que je voulais.
Angry Young Man :
Comment vous êtes-vous réapproprié les citations ?
Tout partait de choses très personnelles que j’avais envie d’exprimer. Mais je ne me vois pas chanter directement ma vie personnelle. Ce serait ennuyeux pour tout le monde. J’ai surtout gardé des artistes qui me touchent, en essayant de les combiner à mes propres pensées. Le processus est parfois distant, parfois très émotionnel.
Et toutes ces recherches ont eu un impact sur la musique ?
En fait, d’abord, j’ai assigné un thème à chaque chanson. Ensuite, celui-ci m’a inspiré la musique. J’ai voulu pousser les contrastes en empruntant des choses à plusieurs genres : le folk, la musique classique… Après, j’ai écrit les paroles. Le tout est un patchwork crée à partir d’œuvres déjà là. Ma musique doit offrir des émotions mais aussi des références dans lesquels l’auditeur peut se plonger. Les choses sont plus intéressantes ainsi.
Votre approche est donc très ouverte…
C’est exactement ce que je voulais faire avec le projet Get Well Soon. Combiner tout un tas d’éléments venant d’horizons divers et les transformer dans une œuvre personnelle.
Le titre « Vexations » fait référence à un morceau d’Erik Satie…
Je voulais que mon disque parle de la manière dont on fait face à nos tourments, aux vexations de la vie adulte. Puis le morceau de Satie est très beau. C’est en fait un motif répétitif qui doit être joué 840 fois de suite. Je l’ai repris une ou deux fois sur l’album. Je comprends parfaitement cette rumination qui créé peu à peu de l’anxiété, de la colère. Puis, en anglais, c’est un mot très vieux, qu’on n’utilise plus. Je trouve qu’il symbolise bien l’album.
Le disque s’ouvre sur un bruit de forêt. Que signifie-t-il ?
Adolescent, j’ai passé énormément de temps dans une forêt, près d’où habitaient mes parents. Pour moi, elle dégageait l’idée d’innocence. C’est un lieu idéal où l’on est protégé. La forêt enregistrée au début du disque est d’ailleurs celle où j’allais plus jeune. Je l’ai placée au début du disque pour dire que l’on sortait de la forêt magique de l’enfance. On plonge alors dans le monde adulte et tous ses tourments.
Les orchestrations sont très riches…
Le choix des arrangements est là dès le départ. Je ne compose pas à la guitare ou au piano mais à l’aide d’un ordinateur. Je créé une orchestration puis ensuite viennent les harmonies, les mélodies, le rythme. Le plus dur pour l’album, comme je ne voulais pas me contenter de programmes informatiques, a été de trouver certains instruments en vrai et d’apprendre à les maîtriser. Mais la musique par essence doit être imparfaite. Avec des samples, on ne reste qu’au stade de l’idée. Il faut les vrais instruments pour que les morceaux prennent vie, avec parfois des accidents, des choses inattendues. J’ai donc essayé de faire très peu de prises.
Etes-vous sensible à la beauté que peut dégager votre musique ?
Plus que la beauté, je suis attaché aux émotions. Il y a ici quelques passages dissonants pour donner à entendre ces tourments qui viennent perturber l’ordre idéal.
Comment avez-vous trouvé l’image de la pochette ?
Elle était utilisée dans un magazine d’art pour annoncer une exposition de cet artiste roumain. Il y a quelque chose d’assez sombre qui m’attirait. Et puis elle collait bien avec le titre de l’album. Ce que je trouve génial par ailleurs, c’est que l’œuvre est en réalité un morceau de bobine d’une comédie des Three Stooges retravaillé. Il y a là un paradoxe qui fait pour moi tout le sel de l’art.
Parmi vos références, peu sont modernes…
Ma musique n’est pas très moderne. Il y a cette nostalgie, ces racines très traditionnelles. Après peut-être que simplement les artistes que je lis sont en général déjà morts.
Avec toujours un attachement pour le format pop…
Je suis un enfant de la pop. C’est ce que j’écoutais plus jeune. Même si j’ai composé quelques musiques de film, il est plus simple pour moi d’écrire dans ce format. La pop song est après tout devenue un format classique.
Comment allez-vous adapter le disque pour la scène ?
Même si j’espère faire quelques concerts avec de vrais orchestres, l’adaptation sera nécessairement très différente. On verra. C’est un nouveau challenge.
En France, de nombreux jeunes s’essaient à la pop et au folk. Est-ce qu’on a le même mouvement en Allemagne ?
Je connais très peu d’artistes allemands. On a surtout beaucoup de mal à s’exporter à part l’électronique. Il y a quelques groupes folk mais je n’appellerais pas ça un mouvement. Concernant la langue, l’allemand est un peu dur. Il sied très mal à mes douces harmonies.
Recueilli par Boris Bastide
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