Je lis un panégyrique démentiel de Jacques Attali dans le journal de FOG (l'homme qui a su se faire faire un acronyme à l'américaine comme BHL alors que Jean-Luc Hees a échoué malgré sa coiffure aussi décoiffante à l'américaine).
Quand il joue au bac avec ses amis l'été, Attali ne se contente pas de trouver des noms de pays et d'acteurs commençant par telle ou telle lettre. « Il corse, il veut les musiciens baroques français de la seconde moitié du XVIIIe siècle », s'amuse l'avocat Jean-Michel Darrois.
Quoi ? Le génie universel Jacques Attali jouerait donc au baccalauréat comme des collégiens incultes lors de leurs heures d'étude ? Il y a plus de trente ans que je considère cette activité comme débile par essence. Et c'est ce genre de distraction que l'on pratique dans la bonne société ? Ecouter ces musiciens au lieu de les citer ne serait donc pas une activité honorable ? Que vaut un nom que l'on sait prononcer ou orthographier si l'on n'écoute ou ne voit pas ce qu'il a voulu transmettre ? Cela n'a aucun sens.
On est dans la pure culture générale de type classes préparatoires aux grandes écoles, du creux entouré de vide. Cela ne peut éblouïr que lors des jeux télévisés où l'on voit la grosse tête face à des idiots, mais la culture n'est pas cela. Il s'agit de temps, de patience, de lectures, d'auditions, de visites, de rencontres avec des êtres, et surtout de réflexion. Ce n'est certainement pas se livrer au name dropping. Cela n'a rien à voir avec ce que serait une culture réelle et approfondie. Le détail remplit en fait un autre but que celui de poser le grand gourou comme un puits de science : celui de le montrer comme un homme ordinaire qui n'hésiterait pas à sacrifier aux jeux d'adolescents prépubères que l'on présuppose comme populaires chez tous les adultes. Mais dans ce cas, c'est raté !
On a un portrait indirectement puéril. Personne n'a besoin de ressembler à une encyclopédie s'il n'a pas eu une connaissance directe des oeuvres et n'a le devoir de témoigner de la supériorité de sa culture personnelle. Mieux vaut avoir écouté cent fois ceci que de connaître le nom de tous les musiciens baroques dans une époque où ils n'existaient presque plus. L'oeuvre compte avant le nom. Mais cela me rend Attali presque sympathique, en petit garçon qui s'amuse à des jeux qui ne sont plus de son âge. Il est plus bête que je ne croyais.