Tous les concerts ont été enregistrés et sont vendus sur le site du groupe ou chez quelques boutiques virtuelles du Net, je me suis procuré le triple CD du concert du 20 mars avec Eric Clapton. J'ai hésité entre le concert de la veille et celui-ci, mais la play-list m'a semblé plus alléchante ce soir-là.
L'ABB comme son nom l'indique s'est formé autour des deux frères Greg (chant et claviers) et Duane Allman (guitare). Après quelques albums qui semblaient les mener vers la reconnaissance internationale, Duane décède accidentellement en 1971. Alors qu'on pense que tout est fini pour eux, le groupe continue, puis c'est au tour du bassiste Berry Oackley de trépasser en 1972. Nous sommes en 2010 et l'ABB poursuit sa route, composé aujourd'hui de Greg, Butch Trucks (batterie), Jaimoe (batterie), Marc Quinones (percussions), Oteil Burbridge (basse), Derek Trucks (guitare) et Warren Haynes (guitare). Une solide formation où la tradition guitaristique est conservée ; du fabuleux Duane des origines en passant par Dickey Betts, le groupe a toujours su s'adjoindre des guitaristes de talent et c'est toujours le cas avec Derek Trucks et l'incroyable Warren Haynes qui se démène au sein de l'ABB, du groupe Gov't Mule et du Grateful Dead ou encore en solo ! Intarissable le gars !
Aujourd'hui le groupe est égal à lui-même, donnant des concerts qui durent, qui durent... Du blues traditionnel (44 Blues) ou à sa sauce, des accents jazzy parfois, des duels de guitares qui s'enchevêtrent, des solos de slide guitare car nos deux compères y excellent, des morceaux qui s'étirent sur dix minutes ou plus (Mountain Jam), bref une orgie musicale datée mais qui fait du bien. Le concert débute doucement par un solo anachronique de basse (Little Martha) le temps de se chauffer les doigts avant d'attaquer un Mountain Jam de 14mn. Les titres se succèdent, Gregg donne de la voix - chaude et soul - son orgue Hammond B-3 enrobe le tout d'un son moelleux, parfois sur un morceau plus rapide il passe au piano. En quarante ans ils ont eu le temps d'écrire quelques classiques, Wasted Words, In Memory Of Elizabeth Reed.
Après treize titres, nous sommes au milieu du second CD, on annonce l'arrivée de l'invité du soir sous les acclamations des veinards calés dans leurs fauteuils du Beacon Theatre et Eric Clapton attaque Key To The Highway. Sa guitare est limpide, le titre archiconnu, on se régale et on sent que le concert prend une nouvelle tournure. On enchaîne avec Stormy Monday - classique du blues entre les classiques - guitares qui pleurent et voix qui geint. Il y aura aussi Why Does Love Got To Be So Sad le standard Claptonnien de l'époque Derek & The Dominoes ainsi que le merveilleux Layla de la même époque. Ironie et mélancolie, ces deux titres avaient été enregistrés à l'époque avec Duane Allman ! Ce soir avec l'ABB au grand complet qui pousse derrière Eric Clapton, les deux titres retrouvent leur grandeur initiale. Dans les cintres du théâtre, invisible, le grand Duane se régale. Nous aussi.
Un triple CD, vingt titres dont sept joués avec Clapton, des guitares en veux-tu en voilà, à droite, à gauche et au centre, parfois en un lacis - chien fidèle - où il est impossible de retrouver qui fait quoi, mais à quoi bon ? Du pur bonheur.