Le premier talus ressemble d'ailleurs plus à une montagne qu'à une vague colline.
Il s'agit du chômage, et plus précisément des centaines de milliers, voire ici du million de personnes qui vont perdre leurs droits dans le cours de l'année. Ici, Sarkozy, au long de son quinquennat, aura été l'homme qui a gravi une colline de chômeurs et aura redescendu une montagne de fins de droits.
En France, 2010 sera donc l'année où la famille va reprendre tout son sens pour certains qui n'auront plus qu'elle pour se nourrir ou se trouver un logement. Bien sûr, sur le million de personnes, tous ne vont pas se retrouver à la rue. Mais cette situation ne va certainement pas arranger le lot de nos concitoyens.
Heureusement qu'il y a la taxe carbone qui va bien aider tout le monde non ? ahem bref je m'égare.
L'article du Monde arrive à la même conclusion :
Ce sont donc plus de 600 000 chômeurs qui verront leur sort remis au seul soutien familial, entraînant un accroissement sensible de la pauvreté en France.
Six cent milles personnes, ça fait tout de suite un paquet. Et mon petit doigt me dit que cette situation ne va pas se débloquer toute seule, et certainement pas par l'action vigoureuse de nos ministres, surtout lorsqu'on apprend que le gouvernement a pris des mesures énergiques : il a créé un groupe de travail ninja.
« Le gouvernement a pris toutes ses responsabilités. Un groupe de travail s'est constitué, il faut attendre le résultat de leurs négociations », déclare-t-on au ministère.
On sent prendre tournure un combat à côté duquel ceux de Bruce Lee font figure de convulsions épileptiques pour enfants handicapés. D'un côté, une situation économique catastrophique, de l'autre, des ministres affûtés comme du beurre chaud qui, de loin, semblent se lancer des défis à celui qui fera le plus de bêtises ou dira la plus grosse calembredaine.
Mais sur la route des bonheurs d'une France Qui Gagne, le plus gros talus, c'est le deuxième… A bien y réfléchir, d'ailleurs, ce n'est pas un talus, c'est un trou, béant, résultat du casse du siècle. Du siècle, en effet, par son ampleur et sa discrétion.
L'idée est la suivante : comme on privatise petit à petit La Poste, autant utiliser cette occasion, déjà fort pénible en ce qu'elle va provoquer l'ire des syndicats qui vont déclencher des grèves, des distributions anarchiques de courrier, et des attentes interminables à des guichets de plus en plus vides. Pour cela, rien de tel que de faire passer quelques douloureuses mesures dans la foulée, zip, zoup, et ni vu ni connu je t'embrouille.
Comme La Poste change de statut, les futurs retraités d'icelle aussi. Et il va falloir trouver des thunes pour tout ce beau monde. Ca tombe bien, les salariés du privé, moutontribuables dociles et encore bien duveteux vu de loin, seront donc mis à contribution. Encore une fois.
Pour cela, à partir de cette année, les nouveaux embauchés de La Poste tomberont dans le régime commun (Sécurité sociale plus Arrco-Agirc). À l'occasion de ce changement, le Sénat a fait passer, en toute décontraction et surtout dans un silence compact à la limite du louche, un amendement accepté par Estrosi, le ministre chargé de bousiller l'Industrie, qui prévoit que l'Ircantec (la caisse retraite qui s'occupe, entre autres, des postiers et de beaucoup d'autres « travailleurs » de la fonction publique) recevra un petit chèque du régime Arrco-Agirc, de – trois fois rien, z'inquiétez pas – 5 à 6 milliards d'euros.
Ça tombe bien ! Les caisses retraites des salariés du privés sont pleines. Et ces derniers seront heureux de pourvoir à leurs infortunés camarades de la fonction publique dont on rappelle qu'il s'agit d'un sacerdoce, que c'est troporible d'y travailler et que les cadenssinfernales et tout ça.
Oh, pas de rouspétance, voyons voyons ! Tout ceci est parfaitement légal et surtout très très logique :
du côté des sénateurs, ils ont simplement défendu les élus auxquels ils doivent leur mandat. du côté de l'État, il se frotte les mains puisqu'en soutirant de l'argent à l'Agirc-Arrco, il fait de substancielles économies. du côté des syndicats, comme le public représente une part majoritaire de leurs rangs, ils ne vont pas trop remuer la merde, hein. Pour grévouiller mollement en réclamant – soyons originaux – des moyens, des sous et des revalorisations de salaires, là, on sait où les trouver. Pour protéger les salariés du privé, … Plus personne.Bref : par ici la bonne soussoupe, c'est le privé qui régale.
Et personne ne moufte.
Ah, si, j'entends des petits couinements de souris apeurée du côté de la spécialité fromagère lilloise, la Tartine Au Brie. Elle découvre, toute fraîche sortie du nid, que la retraite après 60 ans ne serait finalement pas si mal que ça : « Je pense qu'on doit aller, qu'on va aller très certainement vers 61 ou 62 ans. »
Il est trop tard pour se réveiller, mais au moins pourra-t-elle assister à l'effondrement du système les yeux ouverts. C'est toujours ça.
Comme il y a de moins en moins de cotisants et de plus en plus de retraités, il va bien falloir trouver un truc, n'importe lequel, pour faire perdurer tout le bazar encore un peu (2012, mettons).
Soit on augmente le nombre de cotisants. Avec des centaines de milliers de chômeurs en plus d'un coup, évidemment, c'est complexe. Soit on diminue le nombre de pensionnés. On peut toujours en pousser des paquets du haut d'une falaise, ou, moins collectiviste, allonger la durée de cotisation de ceux qui bossent encore.
On peut aussi alourdir les cotisations. Voilà une idée qu'elle est bonne, électoralement parlant. Et vu le nombre de retraités, ça veut dire une augmentation de plusieurs dizaine de pourcents. Sympathique.
Je n'évoquerai pas, par pudeur, l'option « augmentons les cotisations ET conservons l'âge de départ à la retraite » : déjà tenté, déjà foiré. Les trous dans les caisses sont tels que… Ircantic, Agirc-Arrco, tout ça, relisez les paragraphes précédents et broyez-vous une couille.
Aaaaaah, tout ceci est donc plaisant à lire, et rigolo à vivre. Décidément, de loin comme de près, la route vers Bisounoursland continue d'être parsemée d'embûches bien douloureuses.
Pas de doute, ce pays est foutu.
Illustration sous licence Creative Commons : La Retraite On S'En Fout, On Veut Pas Bosser Du Tout (+1)