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Le débat engagé par Vincent Peillon sur l'indépendance des médias peut s'avérer le tournant décisif dans le mandat de Nicolas Sarkozy.
Le débat ouvert par Vincent Peillon sur les médias est probablement un tournant dans le mandat de Nicolas Sarkozy. Il anticipe une ambiance de retour du 10 mai.
Dimanche 10 mai 1981, il est 23 heures 15 quand Mitterrand quitte Château-Chinon. A Paris comme dans les régions, sur les places principales, c'est la fête. Des roses sont distribuées. Des personnes dansent. De temps à autre, des slogans naissent de façon improvisée. Il en est un qui se détachait : la victoire de Mitterrand était autant scandée que la ... défaite d'Elkabbach et de Duhamel. Certains se vantent même d'avoir anticipé le score dès 19 heures 50 en observant la tête de Jean-Pierre Elkabbach. Ils s'étaient dit : "la gauche a gagné !".
C'était le dénouement d'une longue période où les médias étaient entrés en zone de "dépendance perçue" vis à vis du pouvoir.
D'ailleurs, la lettre d'acceptation par François Mitterrand du débat public contradictoire (lettre du 4 mai) tourne exclusivement autour de ce thème : l'indépendance avec cette phrase "ou bien des journalistes et un réalisateur indépendants conduiront le débat ou il n'aura pas lieu". Au début de cette lettre, il s'auto-proclame "garant" du constat d'indépendance.
Quand de telles considérations deviennent banales, c'est dire combien l'image de marque des médias est dégradée.
L'actuelle période se rapproche de cette zone de rupture. Elle est même peut-être déjà entrée dans cette zone de rupture.
Et Vincent Peillon accélère l'émergence de cette zone de rupture.
Il bénéficie de trois facteurs positifs :
1) Des maladresses d'une corporation qui en a fait manifestement trop avec le pouvoir présidentiel.
2) La crise qui éloigne dans la colère le peuple et ses dirigeants.
3) La naissance d'Internet. Internet n'est pas une nouvelle technique d'information. C'est l'obligation d'une nouvelle gouvernance. Or, un jeune Président de la République Française se comporte comme un héritier usé d'une vieille monarchie en abandonnant le souffle de la diversité que l'opinion attend et qui avait fondé sa victoire.
Le parallèle entre les campagnes et les mandats de VGE et de Nicolas Sarkozy est étonnant. Il y a une similitude stupéfiante depuis la séduction pour changer la donne d'une campagne fondée sur le changement puis des attitudes personnelles qui provoquent sa majorité et ce sentiment d'élite progressivement coupée du peuple.
Si Internet est aujourd'hui un facteur de contournement par rapport aux médias classiques, c'est que ces derniers sont contournés parce qu'ils se sont détournés d'une vocation essentielle : être les garants d'une forme de vérité par le débat et par l'investigation.
Cette exigence doit être permanente et non pas réservée à quelques émissions "spécialisées". Prenons actuellement l'exemple de l'émission "Investigation" sur Canal + et l'accident du Concorde. Quel remarquable travail pour chercher la vérité.
En dehors d'émissions de ce type, aujourd'hui, l'opinion commence à se considérer manoeuvrée.
Si cet état d'esprit s'installe, c'est tout le dispositif institutionnel qui en sera modifié.
La moindre information, fut-elle sérieuse et incontestable, sera fragilisée non pas par la qualité de son contenu mais par le discrédit de son porte-voix.
Si ce climat prend, une réelle nouvelle donne s'installe. La crise restaure le concept de "lutte des classes" face à des rémunérations d'une "autre dimension". Si des médias "classiques" peuvent être frappés par une suspicion de "défaillances déontologiques". C'est une drôle d'ambiance pour un lancement de présidentielle.