It should have been love at first sight
Une chronique adulte sur l'amour moderne. Voilà ce que promet Closer. Une exploration mature et sans tabous
des turpitudes sentimentales des plus de quinze ans. Un bilan de ce que l'époque charrie de romances tourmentées. Un récit sans fioritures, sans paillettes, rien qu'un essai de vérité.
Autant vous mettre au parfum tout de suite: après visionnage de ce film, j'ai clairement envie de retrouver mes amourettes de bac à sable. Il y a de quoi lorgner sérieusement du côté du
syndrome de Peter Pan après une oeuvre aussi amère. Mais l'amertume, ici, n'est pas tout. Et pourtant, tout commençait bien...
Tout commence, en somme, comme la plus banale et prometteuse des idylles. Une allure glamour au possible, avec son affiche affriolante à souhait: un quatuor attirant en diable, sex-appeal au
maximum, tout en yeux de braises. Une intro romantique, digne des plus beaux coups de foudre que Cupidon ait suscité: une rue bondée, des passants par dizaines, la foule qui s'écarte
légèrement, et il/elle est là, de l'autre côté, inmanquable, unique, et leurs yeux ne peuvent se détacher de l'autre, comme deux pièces de puzzle s'étant enfin trouvé et refusant catégoriquement
de retourner, seules, dans leur boîte, sur un sublime ralenti (evidemment), le tout enrobé de la musique si délicieusement feutrée de Damien Rice.
Love at first sight.
C'est tellement bien fait que j'ai d'abord cru qu'il s'agissait là d'un flash-forward, et que l'on nous montrait la fin avant le début. Et puis non. Entrent en scène l'autre bis, et l'autre ter.
Et tout devient moche.
So complicated
Evidemment. L'amour, de nos jours, c'est forcément affreusement compliqué, donc affreusement stressant, donc affreusement terni, donc affreusement laid. C'est du moins la vision sans concession
que nous livrent Patrick Marber - auteur de la pièce dont le film est adapté - et Mike Nichols, le réal'. Sous couvert
d'explorer la dynamique des relations hommes/femmes, ils livrent en fait un constat attérant de l'héritage discutable que nous devons à la libération sexuelle. Car, d'avantage que de sentiments,
il est question ici de sexe, et de son corollaire: le pouvoir. Que les voyeurs aillent se faire voir ailleurs, car il n'y a rien à voir. Il s'agit d'une lutte, froide, sans passion, visant à
stigmatiser un peu plus les échanges entre les deux sexes, et faisant la part belle, au passage, aux hommes, qui joueront pendant 1h45 à "la mienne est plus grosse que la tienne, alors va
jouer ailleurs", tandis que les femmes passent pour des perverses manipulatrices croqueuses d'hommes à leurs heures perdues. Tout pour plaire. Côté dialogues, c'est véritablement la
libération, qui nous laissera "jouir", à loisir, de répliques aussi dénudées que pleines de verves, lancées aussi froidement qu'il est possible de le faire, comme si l'auteur avait ainsi voulu
placer du sexe partout sans pour autant devoir le montrer, montant en filigrane, à coups de répliques crues, son porno bon chic bon genre entre deux plans épurés. Du grand art.
Et la passion, là-dedans, où est-elle? Où sont-ils, les élans? Pas ou peu d'étreintes ne viendront adoucir cette impression amère, cet acide qui imprègne le fil entier de cette histoire qui passe
- et c'est sans doute le plus plombant - pour authentique, tant tout sonne douloureusement juste. L'amour réduit à l'état primal, tandis que quatres hères s'arrachent les faveurs des uns et des
autres, comme enclavés dans une bulle néolithique en plein coeur d'un Londres raffiné. Le tout pue la tromperie, le vice et le mensonge, à coups de vérités assénnées sans ménagements.
Aux acteurs, je ne ferais pas le moindre reproche: ils sont épatants, tous. Incarnant des personnages forts, très disparates, très marqués, sans pour autant que cela face cliché. A eux quatre,
ils forment, assez singulièrement, un groupe assez harmonieux, en dépit des dissenssions qui les (dés)unissent. Je distinguerais néanmoins Natalie Portman,
entre tous, pour sa composition formidable, très éloignée de ce qu'elle a l'habitude de faire, très dénudée, aussi (elle est vraiment superbe avec sa perruque rose glossy), campant le personnage
le plus vrai et mensonger à la fois. Une magnifique prestation, atténuant et accentuant tour à tour, c'est selon, la glauquitude des choses.
Marber disait ne pas vouloir juger des actes et choix de ses personnages. Je crois au contraire qu'il est bien difficile de ne pas le faire. Ne serait-ce que par dépit, devant tant
d'inconséquence, devant tant de négation de l'autre. La palme de l'insupportable revenant au personnage de Dan, incarné par Jude Law, archétype du mec qui a
tardivement et brusquement pris confiance en lui, et qui de fait, veut se prouver des choses, vite, à tort et à travers, être égoïste en puissance, lucide, manipulateur, et se revendiquant comme
tel, pour finalement s'avérer d'une inconsistance risible. On en pleurerait presque.
I can't take my eyes off you
A chaud, j'ai clairement détesté
C'est cette version que j'aimerais retenir. Mais est-ce la bonne?
En tous les cas, Closer vous réservera certes un superbe chassé-croisé d'acteurs - tous au top - une mise en
scène dépouillée seyant parfaitement à l'ensemble, et un aperçu de ce qui se fait de mieux en matière de modern-talking au rayon des mots doux. Il vous dissuadera aussi à jamais de vous inscrire
un jour chez Meetic.
*Indice de Satisfaction:
*1h45 - Américain - by Mike Nichols - 2005
*Casting: Julia Roberts, Jude Law, Natalie Portman, Clive Owen
*Genre: You fuck my wife???
*Les + : L'interprétation convaincante, la mise en scène très adéquate, la voix de Damien Rice...
*Les - : On adhère ou pas au propos très sombre et dépassionné asséné tout le long. Moi pas.
*Liens: Fiche film Allocine
*Crédits photo: © Gaumont Columbia Tristar Films