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Vincent Peillon engage une course de fond : devenir le "Séguin" de gauche : une conscience qui accepte le risque personnel pour défendre des valeurs fortes.
Au départ, toutes les fées ont été penchées sur son "berceau". Il a le physique télégénique du gendre idéal. Il est philosophe donc adepte de sens.
Avec de tels atouts, il lui serait si simple de cautionner le jeu politique classique.
C'est justement ce jeu qu'il veut casser avec son actuelle bataille contre des médias qui s'éloignent excessivement de leur devoir de quatrième pouvoir.
Quatre faits méritent une attention particulière :
1) En 2007, Bayrou a décollé dans les sondages en donnant une gifle à ... TF 1 là où, avec un moindre impact, c'était une gifle à un "sauvageon" qui l'avait fait sortir de la grisaille en 2002.
2) L'enquête CEVIPOF de décembre 2009 montre le divorce désormais consommé entre l'opinion et l'élite politique mais aussi l'élite médiatique.
3) Vincent Peillon engage un débat de fond au moment même où lundi 25 janvier est prévue une émission quasi too much du Président "confronté" à des journalistes de TF1 sur des bases qui risquent fort d'ouvrir de vives critiques au sein de l'opinion. Une opinion qui pointe désormais les "abus" qu'elle condamne. Hier sur France 2, le journal de 20 heures exposait les images de la première dame de France venue accueillir des enfants d'Haïti en ayant "refusé les caméras" soulignaient les commentaires. C'est un exploit que d'avoir ainsi des images ... sans caméra. Et que dire du succès du petit journal de Yann Barthès sur Canal + qui devient une "institution" parce qu'il tranche avec "l'information officielle". Que dire également d'un responsable du Figaro qui, à chaque Grand Jury RTL, se comporte en porte voix décomplexé de la politique présidentielle au point de transformer un "grand jury" en débat contradictoire dès que l'invité est de gauche.
4) Qui peut nier qu'il y ait maintenant un sérieux problème d'information en France ? L'information en France est malade.
Premier travers, la presse quotidienne, y compris la presse régionale, est devenue davantage une presse d'opinion que d'information. Elle a une coloration de plus en plus partisane. Elle s'intéresse davantage à interpréter les faits qu'à en rapporter le détail. Elle donne ainsi une place très importante au subjectif.
Hier, seuls les éditoriaux étaient censés laisser une grande part à l'opinion. Aujourd'hui, presque chaque article comporte tellement de commentaires subjectifs qu'un journal semble composé d'éditoriaux généralisés.
Cette approche est très " exclusive ".
Tous ceux qui ne se retrouvent pas dans cette interprétation généralisée décrochent rapidement. Bien davantage, ils se sentent agressés car ce n'est pas ce qu'ils attendent de ce produit d'information. Le journal quotidien devient un outil de raisonnement alors qu'il devrait être d'abord l'outil du droit du public de savoir.
La priorité ne devrait pas être donnée à l'interprétation mais à la vérité des faits. Le journaliste, y compris le localier, est ainsi devenu un " intellectuel " qui conceptualise tout y compris la plus insignifiante foire locale alors qu'il devrait être d'abord un détective vigilant de la vérité des faits : chiffres sur les personnes présentes, comparaison des fréquentations d'une année sur l'autre, détail des déclarations des personnalités comme du temps passé…
L'information télévisée connait des reproches identiques. Bien davantage, les principaux groupes ont des actionnariats de référence qui dépendent de marchés d'Etat.
Tous ces facteurs font que l'information est aujourd'hui au centre de turbulences fortes proches probablement de celles de 1981 quand la victoire de François Mitterrand était aussi une victoire sur ... les médias de l'époque.
Dans ce contexte, Vincent Peillon affirme un territoire :
- le courage car il casse les codes des professionnels de la politique dont la "camaraderie" entre élus et journalistes,
- la "gauche de l'exigence" en pointant un sujet d'inventaire où la gauche a été manifestement défaillante,
- l'équilibre des pouvoirs qui passe par des médias indépendants et "rebelles" ou du moins à, l'écart de tout soupçon de soumission.
Bref, il affirme un tempérament qui fait de lui le garant de valeurs et non pas l'artisan de querelles subsidiaires. Aux yeux de l'opinion, il se met en danger en dénonçant un "système" dont il aurait pu profiter comme les autres.
C'est une querelle de fond dans laquelle il apparait comme le garant des faibles mais surtout de la qualité de l'information de l'opinion. Sur les bases actuelles, il est probable que cette dernière devrait rapidement lui témoigner son soutien car l'information s'installe comme un pilier d'un système de pouvoir que l'opinion rejette de plus en plus vivement.
C'est un climat qui couvait depuis longtemps et bien au-delà de certains clivages partisans comme l'indiquait l'intervention de Dominique de Villepin à Dauphine passée assez inaperçue de façon étonnante.