Jusqu'en avril à Paris, l'enfant de la télé se fait homme de scène pour un spectacle en solo. L'influent animateur-producteur ne sacrifie pas pour autant son empire.
Par Pascal Ceaux, publié le 22/01/2010.
Ce soir, c'est la fête à Ginette. La pauvre! Elle est assise au premier rang de la Comédie centrale, un cabaret de Liège, et le type seul sur la scène se déchaîne. Parmi les 140 spectateurs, il l'a choisie, elle. Et la voici, avec son consentement, transformée en punching-ball, figure obligée du "stand-up", dont l'interprète mêle histoires, gags et interpellation du public. Le type s'appelle Arthur pour la radio, la télé, le cinéma, et Jacques, son vrai prénom, pour le spectacle.
Transformé par les journaux en père de l'enfant de Rachida Dati
Jacques ne s'en prend pas qu'à Ginette : il se moque aussi d'Arthur, la vedette de la télé, l'abonné aux pages de la presse people. Des journaux l'ont transformé en père de l'enfant de Rachida Dati. Pour d'autres, il a vendu son appartement parisien à Vladimir Poutine. Et si tout ça était un peu sa faute? Dans l'un des premiers gags, il raconte qu'un chauffeur de taxi vient de le remercier car il se cultive en regardant ses émissions. En coupant le son pour lire un livre!
Pour roder le spectacle avant les débuts parisiens, le 22 janvier au théâtre de la Gaîté Montparnasse, la star de la télé, producteur poids lourd et animateur vedette, n'a pas élu la Belgique francophone par hasard. Ses émissions y ont enregistré des records d'audience. Entre Bruxelles et Verviers, Liège et Charleroi, où il se produit, il est applaudi. Le pays wallon est propice pour tester confortablement le spectacle.
Jusqu'en avril, Arthur le producteur-animateur veut disparaître et passer le témoin à Jacques l'homme en scène. "J'ai toujours rêvé de ça, explique-t-il. Quand j'étais gamin, à Massy, en banlieue parisienne, j'adorais balancer des vannes. Je n'avais pas de Mobylette, je n'étais pas beau, c'était mon seul moyen avec les filles."
"A 43 ans, je fais en priorité ce qui me fait plaisir"
Mais ce n'est pas forcément l'enfant de Massy que viennent voir TF1, France 2, Paris Match, VSD, L'Express et la quasi-totalité des journaux de programmes télévisés. On se précipite surtout pour raconter l'histoire d'un animateur à 8 millions de téléspectateurs, un homme influent du PAF se produisant devant quelques centaines de spectateurs dans des salles parfois minuscules. D'autant qu'Arthur sait se montrer accueillant. Il ne refuse personne. Pour Michel Drucker, en décembre à Tarascon (Bouches-du-Rhône), il avait même affrété un Falcon. L'avion a permis aux deux hommes de faire l'aller-retour dans la soirée... Le 3 janvier, le nouvel Arthur a été l'invité de l'émission dominicale de Drucker sur France 2, malgré les réticences de la direction de la chaîne à l'égard d'un animateur de TF1.
"A 43 ans, je fais en priorité ce qui me fait plaisir, assure Arthur. Ça ne me gêne pas de dîner dans une petite brasserie à Liège. Tous ceux qui me mettent dans la case Saint-Tropez se trompent." N'empêche, l'homme reste une puissance.
Financière d'abord: selon le classement 2009 du magazine Challenges, il émarge au 180e rang des Français les plus riches, avec une fortune estimée à 150 millions d'euros, issue principalement des bénéfices de la revente de ses parts dans la société de production qu'il détenait avec l'homme d'affaires Stéphane Courbit. Commentaire: "J'ai gagné à la loterie. Mais je sais que ça n'arrive pas deux fois."
Sa holding française, AWPG, chapeaute plusieurs activités. En décembre 2008, il a racheté au PDG de Virgin, Richard Branson, la station de radio Ouï FM, pour environ 5 millions d'euros. Au prix de licenciements -dont certains sont contestés devant les prud'hommes- et de départs volontaires, les comptes ont été redressés. L'heure est à une extension du réseau, déjà engagée (Auxerre, Nice, Marseille), avec l'objectif d'être présent sur tout le territoire d'ici à cinq ans.
Et puis il y a le rêve américain. Arthur s'est offert, pour y travailler dix jours par mois, une maison à Beverly Hills, dans les beaux quartiers de Los Angeles. Il s'est aussi attaché les services d'un agent renommé aux Etats-Unis, afin de percer sur un marché difficile pour les étrangers. Naguère, il avait tourné les émissions pilotes d'un jeu en anglais destiné à une chaîne du câble outre-Atlantique, mais le projet n'avait pas abouti. Cette fois, il est entré en relation avec l'acteur new-yorkais Jerry Seinfeld, considéré comme l'un des maîtres de la comédie de situation, où l'on joue sur les petits événements de la vie quotidienne. La société de production Endemol a proposé à Seinfeld une émission aux Etats-Unis. Arthur pourrait en animer la version française.
"La scène, c'est aussi un moyen de voir si on l'aime"
Enfin, il s'est lancé dans la production de longs-métrages de fiction. En France, il détient 100% de la société Serenity. Aux Etats-Unis, il s'est associé au Français Philippe Rousselet, l'un des fils du fondateur de Canal +, pour créer Vendôme Pictures. Leur première sortie, prévue courant 2010, sera Source Code, un film avec Jake Gyllenhaal. "Je suis certain qu'il va réussir dans ce secteur, assure Etienne Mougeotte, ancien vice-président de TF1, qui avait fait revenir Arthur sur la chaîne privée après un passage à France Télévisions. Même s'il lui faudra du temps et quelques échecs." Il en a déjà connu : en 2009, le film Cyprien, avec Elie Semoun, a cumulé un peu moins de 700 000 entrées et une critique hostile.
Entre Hollywood et Paris, théâtre et télévision, Arthur multiplie les allers-retours. Son premier spectacle, il y a trois ans, Arthur en vrai, avait été jugé sévèrement. Pas assez écrit, pas assez maîtrisé. "Il veut se prouver qu'il peut y arriver, explique à L'Express Stéphane Courbit, le complice des années télé. Il a toujours été affecté par une mauvaise audience. La scène, c'est aussi un moyen de voir si on l'aime."
La consigne ? Faire léger
Ecriture, répétitions, promotion... Avant de se lancer sur la scène parisienne, il soigne chaque détail. Trois auteurs confirmés ont été associés à la rédaction des sketchs. La consigne ? Faire léger et dans l'observation de la vie de couple : bref, tourner le dos à l'époque Arthur autoproclamé "animateur le plus con du PAF" et spécialiste du rire gras.
Pour y parvenir, il s'est aussi adjoint les services d'un metteur en scène québécois, Josée Fortier. Celle-ci travaille souvent avec des humoristes jouant seuls en scène, comme Stéphane Rousseau. Arthur a également eu recours aux conseils de ses proches. Franck Dubosc, Michel Boujenah et surtout son voisin de palier, Dany Boon, lui font des petites fiches, ce qui va, ce qui ne va pas. Le Chti préféré des Français n'hésite pas à s'engager pour son pote. Il avait insisté afin qu'il lui donnât la réplique au théâtre, dans Le Dîner de cons, en 2007 et 2008.
"Dans les années qui viennent, annonce Michel Drucker, il fera du one-man-show et de la télé. Et pourquoi pas un talk-show en fin de soirée ?" L'homme-orchestre y a déjà pensé : il pourrait même s'exercer d'abord sur le câble avant de briguer un créneau sur l'une des chaînes hertziennes. Jusqu'au 1er juillet, un contrat d'exclusivité le lie à TF1. Alors, en attendant, à la fin du spectacle de Liège, il n'oublie pas de faire la bise à Ginette. Elle l'a bien mérité !
Source : Lexpress.fr