Avec Le Faussaire nous sommes en présence d'un recueil de trois nouvelles datant des années cinquante, Le Faussaire, Obasuté et Pleine Lune. La première et la plus longue qui donne son titre à l'ouvrage, nous raconte l'histoire d'un journaliste qui s'engage à la demande des héritiers à écrire la biographie d'un célèbre peintre. Au cours de son enquête il va découvrir que le peintre avait un double, son ombre en quelque sorte, un ami qui peignait des imitations du maître. Abandonnant le grand peintre, le journaliste se lance sur la piste du faussaire qui se révèlera finalement une victime. Victime d'avoir croisé le destin d'un génie.
Obasuté reprend le thème d'une légende ancienne. Autrefois les vieilles femmes étaient abandonnées au sommet du mont Obasuté. La légende se mêle aux réflexions du récitant sur sa propre famille, sa mère et sa sœur qu'il ne fréquente guère. Enfin la dernière nouvelle Pleine Lune, nous raconte l'ascension au sein d'une entreprise, d'un second couteau qui va remplacer le vieux patron. Souvent les montées précèdent les descentes.
J'aime beaucoup la littérature japonaise et là encore j'y ai retrouvé ce ton si particulier fait de petites touches subtiles, de références aux rythmes de la nature, d'évocations de traditions séculaires, de temps qui passe inéluctablement. Sans que la lecture ou la compréhension du livre en soit affectée, on sent que l'écrivain est d'une autre culture, faite de pesanteur aérienne si j'ose cet oxymoron. Un livre court et délicat comme un pétale de cerisier.
« A ces paroles de Kitazaka, Kagébayashi se rendit compte que cette affaire lui était complètement sortie de la tête. C'était la coutume d'organiser tous les ans une fête pour admirer la pleine lune d'automne, soit celle du mois de septembre, soit celle du mois d'octobre. On réunissait autour d'Ôtaka une vingtaine de cadres. Kagébayashi, qui était chargé d'organiser les réjouissances, n'osait pas déléguer ses pouvoirs à l'un de ses subordonnés et il s'en occupait toujours personnellement. On attendait toujours le dernier moment pour choisir entre septembre et octobre afin d'éviter qu'Ôtaka ne boudât, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire en cas de pluie. Au mois de septembre Kagébayashi envoyait quelqu'un à l'office de la météorologie pour connaître les prévisions. Si on l'assurait qu'il y aurait du beau temps, alors il prévoyait la fête tout de suite ; s'il y avait le moindre doute, il la repoussait au mois suivant. »