Electric President est un duo de touche-à tout américain marchant sur les plates bandes d’un autre duo, The Postal Service. Chantres incontestables de l’électro-pop fluette et onirique, ces derniers n’ont pondu qu’un seul album. Assez pour pérenniser une marque de fabrique, un esprit, tendre et envoûtant, capable de sortir des larmes de crocodile à la brute la plus épaisse d’entre nous. Dix morceaux, dont Such Great Heights et We Will Become Silhouettes, pour faire date. C’était en 2003 et depuis plus rien. Ou si, justement : Electric President sort du bois en 2006. Bien que de Jacksonville, en Floride, où le moonwalk est une religion officielle, Ben Cooper et Alex Kane trouvent refuge sur le prolifique label allemand Morr Music pour sortir un premier album éponyme, suivi d’une mini compilation en deux volumes, You Have the Right to Remain Awesome, issues de sessions d’enregistrement précédant ledit album. C’était assez pour qu’Electric President fasse son trou, auréolé d’un succès d’estime à défaut d’être commercial. Des morceaux comme Insomnia, ou encore Grand Machine No. 12, insufflaient dans le creux de nos oreilles une mélancolie blême et fragile tant par leurs structures pop erratiques que par la beauté confondante d’une électronique subtilement déployée. Malgré quelques fautes de gouts, l’activisme de Ben Cooper (Radical Face, Iron Orchestra, Mother’s basement) laissait croire, à juste titre, que les choses n’en resteraient pas là. Deux ans plus tard, Sleep Well (Morr Music, 2008), second album du groupe, pointe timidement le bout de son blair. Monsters, chanson divinement introductive, est l’arbre qui cache l’ennui. Autrement dit, l’album est un joli raté, tournant dans tout les sens une même logique sans queue ni tête. A savoir, une voix monocorde égrainant une litanie de complaintes roboratives, le tout sur une instrumentation largement monochrome. Avec recul, le titre de l’album semblait plus qu’idoine. L’hibernation ne dure jamais très longtemps chez ces bêtes là, le couvert est remis dès 2010 avec the Violent Blue, toujours chez Morr Music. De quoi éveiller une curiosité sensiblement rabrouée : la violence du bleu ? Les compères se sont-ils mis au Redbull ? Et pourquoi cette surprenante nouvelle étiquette, indie pop et shoegaze ? Quelques écoutes plus tard suffisent pour vitupérer ce mauvais œil. De shoegaze il n’y a rien, ou très peu, si ce n’est All The Distant Ships, ultime morceau usant jusqu’à la corde de guitares crades. De violent et de bleu, pas l’ombre d’un doute, c’est une bonne blague de ventripotent. Petite précision, qui a son importance, le début de l’album est constitué de b-sides de Sleep Well. Pas étonnant donc que l’électro-encéphalogramme de The Ocean Floor, Mr. Gone et Feathers est aussi plat que la planche à repasser de ma voisine. On sent alors la redite épouvantable, quand, surprise, à l’écoute de Safe and Sound, un enjouement incantatoire m’arrache d’une torpeur terriblement éloquente. J’ai presque envie de me joindre au hand-clapping ! Nightmare No. 5 Or 6 et The Violent Blue renouent brillamment avec le spleen originel des duettistes, quand Circles et Elegant Disasters en constituent deux épures presque parfaites d’élégance et de nonchalance. Eat Shit and Die est une chanson qui à son intérêt - au delà de son titre - oscillant entre ballades électro et saillie noise. Au final, the Violent Blue est un très bon EP de six morceaux. A chacun d’en tirer ses conclusions. La mienne : ce que the Postal Service a su coucher en un album, Electric President le fera en trois ou quatre. Au bout du compte, ce n’est qu’une question de patience. Et l’occasion d’un bon best-of.
Thibault
Audio
Electric President - Elegant Disasters
Tracklist
Electric President - The Violent Blue (Morr Music, 2010)
01 - The Ocean Floor
02 - Mr. Gone
03 - Feathers
04 - Safe and Sound
05 - Nightmare No. 5 Or 6
06 - The Violent Blue
07 - Circles
08 - Elegant Disasters
09 - Eat Shit And Die
10 - All The Distant Ships