Voici le troisième épisode des enquêtes de notre antiquaire brugeois ! Hervé PICART, tel un métronome, vient encore nous titiller le cortex d’une part pour nous emmener dans une énigme fort instructive à propos des us et coutumes de nos voisins italiens (du moins ai-je la naïveté de croire dur comme fer que celles qui nous sont ainsi contées ont un fond de totale véracité), d’autre part pour poursuivre la lente torture qu’il a décidé de nous infliger pendant six longues années en faisant paraître, tous les six mois, un des 12 tomes des histoires de l’« Arcamonde » qui doivent petit à petit nous mener à l’illumination finale de l’arcane ultime dont les indices nous sont distillés avec moult précautions à la fin de chaque tome.
Si vous avez déjà goûté aux deux premiers tomes, sachez que celui-ci est dans la même veine : aucune hésitation à avoir ! Si ce n’est pas le cas, point n’est besoin d’aller les chercher tout de suite pour en faire préalablement la lecture : seules quelques petites allusions sans incidence sur la compréhension de cet ouvrage qui se suffit à lui-même, pourront ponctuellement être source d’interrogation.
Sauf qu’il y a toujours la fameuse énigme dans l’énigme dont le percement ne souffrira d’aucune impasse, semble-t-il. Aussi vous faudra-t-il en passer quand même par « Le Dé d’Atanas » et « L’Orgue de Quinte » si, vous aussi, vous vous laissez envoûter par la quête à laquelle Hervé PICART nous convie au fil de ses romans qui, sans être vraiment policiers, relèvent quand même d’une proximité du genre.
D’abord et avant tout, il y a (encore une fois ! Décidément, tous ces enquêteurs n’ont qu’elles comme faire-valoir : je vais changer de métier) une sculpturale cliente toute de rouge vêtue ! Dans le genre, je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de femmes romanesques ayant eu droit à un tel étalage de superlatifs quant à leur anatomie qu’Ornella De Volder ! Déjà avec un nom pareil, l’imagination a fait trois fois le tour du sujet si je puis me permettre !
Ensuite, il y a une attitude incompréhensible de notre héros antiquaire, Frans Bogaert, qui oublie toute civilité et tout comportement commercial en affichant la plus évidente aversion envers cette icône venue lui demander l’aumône de son expertise. Il ne sait que lui asséner ce qui n’est, certes, que l’affligeante vérité quant à la valeur du cadeau dont elle souhaite une évaluation, mais avec une telle totale absence de doigté que la méthode en frise même l’incorrection. Comment peut-il ???
Enfin, il y a cet objet qui va rapidement passer du stade de bijou pour tomber au niveau de la verroterie de bas étage avant de devenir l’intrigant témoin d’une culture et d’une tradition étrangères, italiennes en l’occurrence, qui auraient dû disparaître sous les coups de boutoir que l’église catholique et, en son nom, un cardinal, leur ont infligés. Et qui ont perdurées sous le manteau.
Autour de ce triptyque, Hervé PICART tresse une petite histoire par laquelle il tente de nous convaincre du fait que « le canular » élevé « au rang des beaux arts » aux fins de « tourmenter son prochain » devrait garder quelque retenue, car ces blessures qu’il inflige et « dont on ne meurt pas » peuvent devenir le ferment d’où naîtra le désir de « rendre la pareille ». En y mêlant un brin d’érudition qu’il n’est évidemment pas étonnant de rencontrer chez notre antiquaire, expert de toutes ces choses qui apportent de la valeur aux objets anciens par tous les signifiants dont ils témoignent, le propos devient rapidement captivant.
Tel un Hercule Poirot qui fait travailler ses petites cellules grises au fond de son fauteuil, Frans Bogaert, quasi sans sortir de son antre qui fait face au Spiegelfrei, va progressivement dénouer une intrigue dans laquelle certains ont voulu, à son insu, lui faire jouer un rôle autre que le sien. Ce qui n’était pas de nature à calmer sa mauvaise humeur
Le problème est que, arrivé à la dernière page, j’ai le sentiment très net de ne pas avoir avancé d’un centimètre en vue de la résolution de l’énigme dans l’énigme, de la découverte attendue d’une piste vers l’arcane suprême. Ce n’est pas grave ! J’ai passé quelques instants très agréables dans une lecture facile, divertissante, éclairée et pleine de clins d’œil.
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