Magazine Culture
Je me demande une fois de plus, à propos de la lecture de ce livre, si je dois toujours si facilement céder aux chants des sirènes que sont toutes les louanges lues ici et là dans la presse et sur les blogs ou me laisser guider par le hasard, comme avant, au gré des flâneries dans les librairies ou les bibliothèques, ouvrant un ouvrage par-ci, le refermant par-là, lisant à la volée une phase, une demi page, un court chapitre même, ce qui est plutôt bon signe !
Cette fois, j’aurais dû me méfier du titre ! Ordalie ! Le jugement de Dieu ! Le mot est beau, il sonne bien, mais il est mystérieux, qu’on en connaisse le sens ou pas ! Son emploi laisse supposer qu’on ne craint ni l’érudition ni même un brin d’hermétisme ! A quel public s’adresse-t-on d’emblée avec un tel titre?
En tout cas, visiblement pas à celui qui s’arrache les piles de « Où es-tu ? », « Seras-tu là ? », « Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part ». « Parce que je t’aime. », « Que serais-je sans toi ? », « Et si c’était vrai ? ».
Non, Ordalie, simplement !
L’histoire est belle ainsi présentée par le Nouvel Obs : « Ce roman est une réécriture des amours d'Ingeborg Bachmann et Paul Celan. Lui, apatride, rescapé des camps, poète génial. Elle, autrichienne, fille d'un sympathisant nazi, poétesse géniale. L'un se suicidera en se jetant du pont Mirabeau, l'autre mourra brûlée vive dans une chambre d'hôtel à Rome. Cette passion tumultueuse est évoquée par un cousin fictif de la belle Ingeborg, transi d'amour pour sa cousine. Un roman au style très soigné. Quelques passages magnifiques »
Et c’est très juste : le style est soigné et je suis tombée sur des moments et des passages qui m’ont séduite : l’avant chapitre, tout d’abord, ou chapitre 0, qui résume à lui tout seul une bonne partie du récit mais on ne s’en rend compte qu’ensuite quand on referme le volume. La naissance de la jalousie du narrateur aussi m’a bien plu, au chapitre intitulé : « La rose blanche » et bien d’autres passages encore qui doivent pouvoir donner lieu à de belles études de texte !
Dans l’ensemble cependant, je ne garderai pas un très bon souvenir de ce livre. Je suis restée à l’extérieur de l’histoire de ce couple, ces deux poètes suprêmement doués et sensibles et vibrants qui s’aiment, s’estiment mais qui ne peuvent pas vivre ensemble parce que leurs conceptions de la poésie et du devoir de mémoire divergent. Je déteste trop Zak, le narrateur, qui n’est autre que le cousin de la jeune femme avec laquelle il a été élevé, qu' il aime par-dessus tout, qui épie les amoureux et qui, de son côté, fait souffrir une autre jeune fille, par dépit et pure méchanceté ! Il est resté nostalgique de l’ordre ancien, le nazisme de son enfance.
N’aimant pas son point de vue sur le monde, je n’ai pas pu m’identifier à lui. Dès lors, le plaisir de lire ce roman m’a échappé ! Je lui suis cependant reconnaissante de m’avoir fait connaître deux grands poètes allemands de l’après guerre que je ne connaissais pas du tout: Ingeborg Bachmann et Paul Celan!
Ce sera mon 16ème livre de la rentrée littéraire 2009
L’ont beaucoup aimé cependant : Lilly et Lou. Stephie un peu moins. Lapinoursinette, encore moins et Bellesahi l'a tout simplement abandonné.
Ordalie de Cécile Ladjali (Actes Sud, 2009, 197 pages)