"si un écrivain habile, possédant une conscience claire et une connaissance parfaite de l’opinion orthodoxe et de toutes ses ramifications, contredit
subrepticement, et pour ainsi dire en passant, l’une des présuppositions ou des conséquences nécessaires de l’orthodoxie, qu’il admet explicitement et maintient partout ailleurs, nous pouvons
raisonnablement soupçonner qu’il s’opposait au système orthodoxe en tant que tel, et nous devons étudier de nouveau tout son livre avec beaucoup plus de soin et beaucoup moins de naïveté que nous
ne l’avons fait auparavant."
Léo Strauss, La persécution ou l'art d'écrire
J'avais adoré ce livre de Strauss, comme son Droit naturel et histoire. J'ai cette citation en tête chaque fois que dans un journal conformiste je lis une phrase,
une remarque, une affirmation qui détonne. Par exemple quand je lis Jean-Paul Fitoussi c'est typique : j'ai l'impression que l'homme ne dit que la moitié de ce qu'il pense - sur les questions
européennes notamment. On peut prendre ses désirs pour ses réalités, avec de telles grilles de lecture ; on peut aussi se dire qu'il suffit d'un rien pour que les verrous sautent : ce qui est
tabou aujourd'hui deviendra évident demain, non pas parce que les gens auront vu la lumière, mais parce qu'un seuil aura été passé, un palier atteint, où ce que la plupart s'attachaient à
taire, ils le diront.