Ne me dites pas que vous n’avez pas vu, depuis l’hiver dernier, déferler sur la blogo une vague géante d’écharpes tricotées main par une grand-mère bienveillante que vous auriez choisi vous-même en fonction de sa tête.
J’admets que c’est chouette et tout, la grosse maille, le côté artisanat, la mamie gâteau à ton service. Et toute l’imagerie qui accompagne le produit : on enfile son écharpe et tout est là : le feu de bois, le lait chaud à la fleur d’oranger, les albums photos en sépia. Un peu plus et c’est Norman Rockwell lui-même qui vous noue votre écharpe autour du cou.
Mais en ce qui me concerne, il y a eu un moment où le marketing, au demeurant super on est d’accord, m’a perdue, et où l’idée de la grand-mère que tu choisis comme une paire de cuissardes ou une veste à sequins, m’a laissé un arrière-goût un peu amer.
Puis je me suis dit : puisque la grand-mère tricoteuse est fashion, et comme nous ne reculons devant AUCUN sacrifice chez les mummies, je vais devenir une grand-mère tricoteuse fashion, et fabriquer mon écharpe moi-même.
En plus, je capitalise pour l’avenir ! Je pourrai le moment venu être une super grand-mère, qui pourra réaliser toutes les commandes de mes petites-filles, des jarretières en tricot, par exemple, quand ce sera la mode.
Il faut ici vous préciser que je n’ai rien fait de mes dix doigts depuis… (oui, je n’ai pas fini la phrase précédente exprès, car je n’ai rien à ajouter). Et que j’ai décidé de m’y coller toute seule, comme une grande, sans passer par les apéro-tricots. D’abord, parce que je me connais, là où il y a apéro, il n’y a pas grand-chose d’autre, et ensuite, parce que j’ai vraiment vraiment honte de mon niveau (je fantasme régulièrement sur l’idée de jeter des fringues plutôt que d’y recoudre un bouton), je n’oserai me frayer aux manitous de la grosse aiguille que lorsque je m’en sentirai cap.
Je me suis donc lancée, grâce aux kits « knit it » de Phildar. J’ai choisi le modèle le plus simple. En vrai, c’est faux : j’ai choisi le seul qui restait en rayon (attends, est-ce qu’en fait, je ne serais pas seule à cultiver l’über-itude ? Bien sûr que si, je rigole)
Résultat des courses:
- tout d’abord, le kit qui comprend quelques schémas pour réaliser les mailles n’a pas suffit à la néophyte que je suis. Il a fallu en plus que j’aille consulter (plusieurs fois) (à la suite) des vidéos sur u-tube, au grand dam de mon poux, qui m’a vraiment prise pour une folle pendant les vacances.
«Hé-ho ! C’est bon, hein, c’est pas non plus comme si c’était hyper gênant pendant que tu joues à SuperMario ! »
N’importe quoi cette famille, je vous le dis, peut-être qu’on sera meilleurs comme grands-parents que comme parents. Et moi, j’y travaille dès maintenant !
- Ensuite, le tricot est vraiment une pourriture de truc de droitier je vous l’affirme, je me sens extrêmement gauche, justement, mais ça c’est une autre histoire.
- Puis, vu mon allure, j’aurais peut-être mon écharpe…cet été ?
- et sera-t-elle vraiment portable ?
- Par ailleurs, il va sans dire que socialement, j’ai encore du mal à assumer. « Hier soir ? nan, rien de spécial, j’ai tricoté ! » Pour l’activité prenne vraiment, il faut de toute urgence que les spécialistes du marketing international trouvent un autre nom au tricot, de la même façon qu’on a trouvé « legging » à la place de « collant sans pieds », et que tout le monde s’est mis à en porter. Dans « tricot », y a comme un relent de « questions pour un champion » qui me bloque. Über, mais pas trop.
- Enfin, c’est vrai que c’est sympa de voir le truc se créer sous vos propres yeux ébahis. Mais l’exercice ne suscite pas la décontraction que j’imaginais, dans la mesure où je suis hyper crispée sur mon jersey, je vous raconte pas.
Moralité : là où y a d’la gêne, y pas d’plaisir, comme disait ma grand-tante Lucette. (Je cite beaucoup ma grand-tante depuis que je tricote.) Faut pas oublier que les services à la personne, c’est ça qui va sauver notre économie, aussi. Et nos Seniors, est-ce qu’on s’en occupe assez ? Il y a donc des chances que je craque pour les petites golden ladies, en attendant d’en devenir une moi-même. Mais je m’accroche ! parce que quand je vois les jolies choses que je pourrais me faire, je me dis aussi, comme disait ma tatie Jacotte, qu’on est jamais aussi bien servi que par soi-même !