La saison 2009-2010 risque bien de rentrer dans l’histoire de la NBA mais par le bas. En effet, les Nets du New Jersey sont en train de réaliser la pire saison avec 3 petits gains en 41 rencontres. Ils risquent bien de dépasser les 76ers de Philadelphie de 1972-1973, qui n’avaient gagné que 9 matches en 82 parties. Je vous propose un retour sur cette déroute avec un essai d’explications.
Petit historique des Nets depuis 2000.
La chute d’une franchise.
En 2000, la franchise des Nets trainait dans les bas-fonds de la conférence Est. Quelques mauvais choix (Marbury, Van Horn) ,lié à une absence d’âme d’une équipe écrasée par le voisin knick ont repoussé l’équipe dans la grande banlieue new-yorkaise, à East Rutherford, avec les Devils (qui eux gagnaient en NHL).
Les choses changent avec l’arrivée de Jason Kidd, considéré comme le meilleur meneur de l’époque. Machine à faire jouer, il parvient à faire décoller l’équipe, sous l’impulsion de Byron Scott. En 2002, l’équipe gagne le double de matches que l’année précédente (52 contre 26) et parvient à disputer la finale NBA, perdue face aux Lakers. Malgré la déception Kenyon Martin (qui n’a jamais vraiment confirmé les espoirs que nourrissent un numéro un de draft), l’équipe maintient son niveau avec la confirmation de Richard Jefferson. En 2003, les Nets assurent leur domination à l’Est mais perdent encore en finale contre les Spurs cette fois-ci.
Les Nets maintiennent un haut niveau. L’arrivée de Vince Carter devait permettre à la franchise de postuler encore au titre. Ce n’est pas le cas, bien que l’équipe se qualifie encore les quatre saisons suivantes pour les playoffs (en étant sortis trois fois en demi-finale de conférence et une autre fois au premier tour). Avec le déclin des Knicks, les Nets prennent le leadership de New York.
L’éviction à mi-saison 2003-2004 de Byron Scott, au profit de Lawrence Frank (plus jeune coach alors en exercice) avait revitalisé l’équipe. Frank était maintenu au poste.
Pourtant la franchise doit se résoudre à l’évidence. Son éloignement du centre ville ne lui permet pas de gagner une grande popularité, les difficultés financières apparaissent. Et le patron des Nets, Rob Thorn, pense que le trio Kidd-Carter-Jefferson ne pourra emmener plus haut l’équipe. Il faut reconstruire, en économisant, quitte à connaître quelques saisons difficiles. En un an et demi, le passé est révolu.
Thorn ne croyait pas si bien dire. Le tournant a lieu le 18 février 2008 : Jason Kidd est transféré aux Mavericks de Dallas, dans un échange impliquant huit joueurs. Les Nets ont récupéré le meneur Devin Harris, qui réussissait bien au Texas. Après 6 années de play-offs, les Nets manquent le tournoi printanier, ne gagnant que 34 parties
Quelques mois plus tard, c’est Richard Jefferson qui quitte les Nets dans un échange avec les Bucks de Milwaukee. Thorn a obtenu en retour Bobby Simmons et surtout le Chinois Yi Jianlian. La saison 2008-2009 est bien morose : Carter reste le seul pilier du trio mais c’est Devin Harris qui prend le leadership. Pour autant, la franchise totalise le même bilan qu’en 2008 (34-48). Seul rayon de soleil, Brook Lopez s’est imposé comme un improbable bon pivot (13 points et 8,7 rebonds) dans une franchise qui ne joue pas à l’intérieur faute de talents. Le frère de Robin (qui joue aux Suns) fait partie du cinq des rookies, étant élu au troisième rang du classement du meilleur débutant.
Confrontée aux difficultés financières, l’équipe décide de se départir de Vince Carter à l’été 2009, transféré au Magic d’Orlando. Dans cet échange impliquant encore cinq joueurs, les Nets ont récupéré Courtney Lee, auteur d’une bonne saison avec Orlando.
Une franchise en reconstruction.
Avec les résultats déclinants, il est devenu de plus en plus difficile d’attirer le public. La franchise perd de l’argent et les propriétaires décident de la vendre en septembre dernier au milliardaire russe Mikhaïl Prokhorov pour une somme dérisoire. En échange, Prokhorov (considéré comme l’homme le plus riche de Russie) s’engageait à faire construire à Brooklyn une enceinte qui permettrait de relocaliser la franchise vers le centre et d’attirer plus de spectateurs. L’Air Continental Arena (devenu Izod Center) est devenu trop vieux et trop peu fréquenté (13000 spectateurs de moyenne soit un taux de remplissage de 66%). En 2011, c’est le Barclays Center (dont le coût est estimé à 800 millions de $ près de l’angle de l’Atlantic Avenue et du Pacific Street) qui permettra au vieux quartier de Brooklyn de retrouver une franchise après le départ des Dodgers en 1957.
Vue virtuelle du Barclays Center, en cours de construction, au sein de Brooklyn. La construction de l'enceinte est presque un événement car elle ramènera une franchise sportive, 54 ans après le départ des Dodgers pour Los Angeles.
Au-delà du pire et de la catastrophe.
La saison 2009 tourne rapidement au cauchemar. Une défaite en ouverture contre les Timberwolves du Minnesota, autres candidats déclarés à la médiocrité (93-95) puis une série de défaites, le plus souvent nettes même si les Nets auraient pu battre Miami le 14 novembre (défaite 80-81). Le record des Clippers de 1999 devient accessible : 17 défaites pour commencer la saison régulière. Le 29 novembre, au Staples Center chez les Lakers, le record est égalé après une large défaite (87-106) chez les champions NBA. Rob Thorn avait décidé alors de se séparer de Lawrence Frank juste avant ce match et de le remplacer provisoirement par Tom Barrise. Rien n’a changé. Le 2 décembre contre Dallas, les Nets encaissent leur 18ème revers de rang (101-117) et battent le record des pourquoi tristounets voiliers. La série semble être sans fin. Pourtant, deux jours plus tard, la lumière vient enfin : ce sont les Bobcats qui s’inscrivent au premier rang des vaincus par les Nets (91-97) puis après une défaite chez les Knicks, ce sont les Bulls de Chicago alors en pleine débâcle qui s’inclinent (103-101 pour New Jersey). Kiki Vandeweghe, assistant manager, a été nommé entraineur par intérim et dès sa première sortie, l’équipe a été victorieuse.
Mais une nouvelle série de 10 défaites replonge la franchise dans le marasme avant de surprendre la jeune équipe du Thunder d’Oklahoma City (104-95, la plus large des victoires). Actuellement, les Nets sont sur une nouvelle série de 9 échecs : pire encore, la plus petite marge de l’actuelle série est de 8 points (contre les Caves de Cleveland, la première de la série). Cette nuit, New Jersey a progressivement lâché le lest à Phoenix et a perdu de 24 points (118-94).
Quel désastre !
Bilan statistique.
Le gros point faible (s’il y en a un) est l’attaque : 90,3 points marqués, la pire offensive de la NBA. Avec 42% de réussite aux tirs, les Nets sont les plus maladroits de la Ligue, tout comme à trois points (27,8%). La consolation vient des lancers francs (77,8% soit le 4ème meilleur pourcentage). En terme d’efficacité, les Nets sont la pire équipe et de loin (un taux d’efficacité de 97,7 points par 100 possession, la seule franchise à moins de 100). Ajoutons que l’équipe est assez moyenne au rebond offensif.
En défense, ce n’est pas ça non plus. L’équipe encaisse une moyenne de 102,4 points par match (8ème pire défense), présente aussi le pire différentiel (-12,1 points) ce qui n’a rien d’étonnant. L’équipe défend assez mal : les attaques adverses ont un taux de réussite de 48,3% (plus haut total) et de 37% à trois points (4ème plus haut pourcentage). Une des explications à cette faible efficacité peut venir du manque d’intensité en défense. L’équipe est 25ème pour les fautes commises (831) ce qui montre que les Nets ne collent pas beaucoup aux adversaires. Au final, avec un taux d’efficacité de 110,7 points marqués pour 100 possessions, les Nets sont à l’antépénultième rang de la catégorie.
Les joueurs.
Bien peu de satisfactions on peut l’imaginer. Mais il y en a au moins une. Auteur d’un excellent match à 26 points et 13 rebonds, Brook Lopez est de loin le meilleur de l’équipe (19 points à 49,5% de réussite, 9,6 rebonds et 2 contres par match). Il confirme son excellente saison de rookie et se place parmi les favoris au titre de Most Improved Player. Si on analyse les autres stats, liées à l’impact offensif et défensif, Lopez est le seul joueur performant de l’équipe.
Brrok Lopez, la vraie révélation des Nets au sein d'une équipe sans âme. A lui seul il est le jeu intérieur des Nets, ce qui est bien insuffisant.
Blessé pendant la première partie de saison, Yi Jianlian affiche des performances intéressantes (15,8 points et 7 rebonds) mais sa défense est bien médiocre. Par contre, Devin Harris est très en retrait : malgré des stats honorables (15 points et 6 passes par match), il est très maladroit (38,2% au tir et 22% à trois points). Première victime de la grippe A, Chris Douglas Roberts a récupéré et a affiché de nets progrès, par défaut des autres : sans être plus adroit, il a gagné en temps de jeu et en tickets shoots (14,3 points contre 4,9 en 2009). Courtney Lee est décevant (11 points et 2,1 passes avec 39% de réussite) pour un meneur de jeu. Que dire du rookie Terrence Williams ? Drafté au 11ème rang, il ne parvient pas à s’imposer dans l’équipe.
Yi Jianlian. Le Chinois est considéré comme un des meilleurs espoirs mais sa fragilité reste son principal point faible, de même sa répugnance à aller sous le panier pour aider Lopez. Rédibitoire pour un joueur plus à l'aise à mi-distance que près du panier.
Ce qu’on remarque clairement dans ces chiffres : l’absence de joueur intérieur performant à côté de Lopez : Yianlian est plus un Small Forward dans l’esprit qu’un vrai ailier fort et le banc est quasi vide de joueurs intérieurs. L’arrivée de Kris Humphries pour épaule Lopez est une bonne chose (13,5 points et 7,5 rebonds en 4 matches) mais bien trop juste tant en quantité qu’en qualité. Les shooteurs extérieurs sont assez maladroits et l’effectif est totalement déséquilibré, pour ne pas dire bancal : sur 17 joueurs, seuls 6 peuvent décemment occuper un des postes intérieurs (ailier fort et pivot). Et encore, seuls 2 ont vraiment la carrure du pivot. Pas de talent offensif à l’intérieur à part Lopez (qui est plus un besogneux mais qui est efficace) et Jianlian (avec les réserves émises car c’est un joueur qui joue plus vers l’extérieur).
Devin Harris, le meneur de jeu des Nets. Arrivé dans l'échange de Jason Kidd, il se révèle un bon scoreur mais pas assez pour être le leader de la franchise. Sa saison 2009-2010 est, pour le moment, en retrait, pendant que son équipe est en perdition.
Quel avenir ?
L’avenir sportif est bien sombre pour plusieurs années. Les Nets vont se fixer pour seul objectif de ne pas remplacer les 76ers au chapitre des pires franchises mais ce n’est pas gagné.
Les Nets vont-ils parier sur le premier choix de la draft ? Possible mais le règlement NBA diffère des autres grandes ligues nord-américaines. La pire équipe a 25% de chances d’avoir le first pick dans un tirage au sort qui déterminera l’ordre de la draft. Ceci pour éviter les défaites intentionnelles.
Pour relancer l’équipe il faudra trouver la perle rare, un peu comme LeBron James a relancé les Caves qui étaient bien au fond. Mais aussi attirer du monde, proposer un jeu plus attractif. Pour le moment, il n’est pas question de faire signer un gros nom, tant la reconstruction prendra des années. Enfin, on s’interroge aussi sur les ambitions réelles du nouveau propriétaire. Les économies réalisées ces dernières saisons devaient sans doute aider au financement du Barclays Center.
Pourtant l’ambition semble bien là. Les Nets ont l’intention de concurrencer les Knicks en centre ville et n’ont plus l’intention de rester dans la banlieue de Big Apple. Un défi aussi risqué que payant. Risqué car les Knicks ont une histoire et une popularité bien plus grande, un peu comme les Mets face aux Yankees. Payante car les Knicks ne sont pas beaucoup mieux lotis. Ils ont réservé toute leur marge financière pour signer LeBron James au mois de juillet mais rien ne permet d’affirmer qu’il le fera (malgré les déclarations de son pote C.C. Sabathia, l’ancien lanceur des Indians de Cleveland [placé !]). Les deux franchises de New York plongent dans la médiocrité, la nullité même.
Et pour les Nets, il faudra encore attendre un peu pour s’en sortir. Mais pour la saison 2009-2010, les Nets risquent bel et bien de faire partie des pires équipes du sport US, avec les Lions de Detroit de 2008, les Buccaneers de Tampa Bay de 1974, des Penguins de Pittsburgh d’avant Crosby ou bien des Mets de New York de 1962 ou des Tigers de Detroit de 2003. Ca fait du monde ! Sans oublier les 76ers de 1973 et les Nuggets de 1998.