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L’Amérique infectée

Publié le 21 janvier 2010 par Jclauded
Quelle surprise ! Un républicain élu pour remplacer le sénateur Ted Kennedy, champion de l’assurance-santé pour tous les Américains. Surprise encore plus grande puisque ce nouveau sénateur, Scott Brown, a fait campagne en promettant de s’opposer au projet du président Barack Obama sur les soins de santé aux Américains dont l’objectif est de corriger les déficiences du programme de santé actuel et de permettre à 35 millions d’individus, à ce jour non-assurés, d’être protégés contre la maladie.
Le Sénat américain et la Chambre des représentants ont chacun voté leur version du projet. Il reste à fondre ces deux documents en un et à le faire voter, à majorité simple, par les deux groupes pour que le projet devienne loi. Le vote final doit avoir lieu d’ici un an sinon le projet sera enlevé du feuilleton du Sénat. Les démocrates, majoritaires, voulaient voter ce mois-ci.
L’élection de Brown augmente le nombre de sénateurs républicains à 41 vis-à-vis les 59 démocrates. Et ce chiffre de 41 change tout puisqu’il dépasse le chiffre 40 qui est le seuil fixé par les règles de procédure parlementaire du Sénat et qui empêchaient les républicains de filibuster (faire un débat sans fin). Dorénavant, les républicains peuvent le faire et c’est le nouveau dilemme d’Obama. Tiendra-t-il son bout en maintenant son projet tel quel et en risquant que les sénateurs républicains décident de filibuster ou le modifiera-t-il en réduisant sa portée afin d’obtenir l’accord des républicains ?
La victoire du candidat démocrate dans l’État du Massachusetts s’explique par plusieurs raisons. La première, est Scott Brown. Il a été un candidat exceptionnel. Photogénique, chaleureux, belle famille, bon orateur, bonne expérience politique dans son État, excellente organisation, il a mené une campagne électorale parfaite. Déjà sénateur du gouvernement du Massachussetts, il en était à sa dixième campagne électorale et n’a jamais perdu. Son adversaire, Martha Coakley, attorney general de l’État avant de devenir la candidate démocrate, a mené une campagne qui ne l’a pas avantagée. Calme, sereine, peu dynamique, elle n’a reçu que peu d’appuis de son parti qui la considérait victorieuse. Obama ne s’est déplacé que le dernier jour pour faire une vite incursion dans l’État pour l’appuyer. Malgré ces différences entre l’image et la vigueur des deux candidats, elles n’étaient pas, à mon avis, suffisantes pour que Mme Coakley perde car le Massachusetts a toujours été profondément démocrate. Il y a beaucoup plus.
Le conservatisme prend des galons en Amérique, particulièrement aux USA. Une chaîne de cable de télévision, Fox News TV, s’est dédiée à le promouvoir, tout comme des milliers de postes de radio des USA. Intéressant pour le téléspectateur, Fox est devenu le poste le plus regardé. Il dépasse CNN. Ces conservateurs d’extrême-droite ne faisaient pas de vague du temps de l’ex-président Georges W. Bush mais ils se sont revivifiés suite à l’élection d’Obama. Leurs grands apôtres sont Rush Limbaugh (radio), Sean Hannity (TV), Glen Beck (TV) et des centaines d’autres animateurs de télé et de radio à travers le pays.
Ces promoteurs répandent sur le peuple leurs arguments trop souvent démagogiques et infectieux. Ils affirment ne pas être des républicains comme ceux de Bush mais, en réalité, ils l’appuyaient et appuient toujours ce parti mais visent à le changer profondément. Ils prêchent que l’entreprise est le moteur principal qui assure la qualité de vie des Américains et non le gouvernement. Ils critiquent le niveau de la dette, veulent baisser les taxes et amenuiser la présence du gouvernement dans la vie des américains. Pour eux, les USA doivent avoir la plus forte armée du monde; le complexe militaro-industriel du pays doit être appuyer sans aucune restriction; leur pays est supérieur aux autres et doit s’imposer nonobstant les circonstances et les lois; la torture de terroristes d’Al-Qaeda n’est pas de la vraie torture; les chercheurs scientifiques se trompent et le réchauffement climatique n’est pas de main d’homme; les pauvres sont des fainéants et des paresseux; et, aujourd’hui, je les ai entendu critiquer l’aide apportée aux Haïtiens par Obama prétextant que c’est pour garder le vote noir en sa faveur qu’il a agi. Ils s’opposent aussi au plan d’assurance-santé d’Obama et ne veulent absolument pas de rôle gouvernemental dans la santé.
Pour mousser leurs idées, ils organisent des mouvements populaires, tels les « tea parties », à travers les USA qui réunissent des milliers d’Américains dans leur milieu respectif pour protester, dénoncer, critiquer tout ce qui n’est pas de droite. Et ça marche, puisque les sondages leur donnent un appui de 40% d’Américains, ce qui est plus qu’au parti démocrate et encore plus qu’au parti républicain. Ils trouvent des appuis importants auprès de plusieurs grands patrons, de la chambre de commerce américaine, etc… Ils ont supporté ardemment Scott Brown.
Souventes fois, les propos des vendeurs du conservatisme gênent le parti républicain et ses élus. Leur influence devient si importante partout au pays (comme on vient de le constater au Massachusetts, l’État le plus démocrate des USA) que plusieurs sénateurs et représentants républicains, pensant à leur réélection, pilent sur leurs principes, ne disent rien et flirtent même avec ces conservateurs qui sont beaucoup plus à droite qu’eux. C’est ce qui explique la tactique invraisemblable du parti républicain envers Obama et son administration qui se résume à ne rien proposer, tout critiquer et toujours voter contre. À ce jour, je suis surpris que cela les ait bien servis.
De plus, Scott Brown a bénéficié de l’argent des grands lobbyistes et de nombreuses campagnes publicitaires bien montées et payées par les compagnies qui se sentent bousculées par Obama à cause de ses politiques touchant la santé, le bien-être, le contrôle du système bancaire, l’environnement, etc… Ce fut un déluge de pubs négatives et souvent mensongères qui, jour après jours, a fait son œuvre. La forte avance de Mme Coakley rétrécissait comme une peau de chagrin.
Le président Obama et les démocrates ont un grand défi à relever. Ils doivent se rapprocher davantage du peuple américain et mieux expliquer leurs idées, leurs programmes et leurs politiques afin de contrecarrer les insinuations, les mensonges et les attaques vicieuses dont ils sont la cible.

Quant au conservatisme, il prend de l’ampleur à cause de la crise économique et des investissements majeurs qu’elle a suscités, des déficits qui en découlent et des dettes qui s’empilent. Le terrain est fertile pour la critique à outrance. Je crains qu’un très grand nombre de nos voisins du sud soient infectés par ces « vendeurs de tapis » et glissent vers leurs idées politiques insensées qui peuvent sembler logiques, pour plusieurs, mais qui à long terme freinent le progrès des sociétés et deviennent des obstacles à une certaine répartition de la richesse.
L’élection du Massachusetts nous indique ce qui peut venir.
Claude Dupras

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