Ce qui nous définit en réalité, ce qui fait que nous sommes nous et pas un autre, plutôt qu’un caractère établi, me semble une « énergie », une « entité » profondément ancrée, comme une base secrète que certains appellent l’âme, d’autres la pulsion de vie, ou l’esprit, que sais-je encore, peu importe. Ce que nous sommes réellement me paraît plutôt cette chose cachée en nous, mêlée aléatoirement, au gré des rencontres, à celle des personnes qui nous entourent, à la langue qu’on parle, à la culture dans laquelle on évolue, à mille autres éléments dont on n’a pas idée, réajustée en permanence à l’aune de tous ces ingrédients. En d’autres termes, plutôt que d’avoir un caractère fixé une fois pour toutes, ce que nous sommes varie tout au long de notre vie en fonction des événements et de notre environnement immédiat. Qui n’a jamais vu un collègue aigri devenir un retraité épanoui et souriant ? Qui n’a jamais connu une épouse plaintive et empâtée devenir une divorcée pimpante et dynamique ?
Mieux encore : l’environnement immédiat, lorsqu’il change, nous permet de savoir qui nous sommes (vraiment). Prenons un exemple édifiant et passionnant : moi ! (Ben oui, c’est mon blog, je fais ce que je veux dedans !) Je découvre entre autres que la langue anglaise, que je parle mais ne maîtrise pas, limite fortement certains aspects de mon soi-disant « caractère » qui dépendent directement de la maîtrise du langage : en français, je peux râler, critiquer, m’énerver contre quelqu’un lorsque je suis insatisfaite, et je ne m’en prive généralement pas. En anglais, je ne suis jamais sûre d’avoir capté toutes les subtilités de ce que me dit la personne qui me parle, je n’ai donc pas le sentiment « d’avoir raison » qui pousse parfois au crime. De plus je n’ai aucun moyen de rétorquer quelque chose de bien senti, aussi je me tais. Je dois par ailleurs rester calme, pour pouvoir me concentrer sur ce qu’on me dit, et sur la formulation de ma réponse. Aussi je ne m’énerve pas.
Autre différence : si
faire la gueule est une notion quasi-culturelle en France, cette attitude n’est pas comprise par les néo-zélandais. On est tenu à l’amabilité, et d’ailleurs on se sourit entre inconnus sur
Autre chose encore : en France, tout au long de ma vie j’ai nécessairement, comme tout un chacun, acquis une certaine connaissance de nos lois, de nos coutumes, de notre géographie, de tout ce qui constitue notre culture et dans laquelle je peux naviguer à vue, les yeux fermés, en toute tranquillité, sans même y penser. Je comprends tous les panneaux de circulation, je sais où trouver les produits dont j’ai besoin, je comprends intuitivement l’agencement des villes, je connais mes obligations de locataire, je comprends les jeux de mots. Je possède les références culturelles de base : je sais qui sont Michel Drucker et Loana, sur quel air chanter « Quoi ma gueule ? », et pourquoi certaines personnes disent « Merki ! » pour merci ! Quelle que soit l’action que je désire entreprendre en France, aussi compliquée soit-elle, je connais parfaitement les contours et les cadres de cette action, je sais toujours à peu près où je vais. Et au fil des ans, comme tout habitant de ce beau pays de la bonne nourriture (sanglots…), je me suis forgé une opinion que j’ai l’orgueil de parfois croire personnelle et fondée.
À suivre…