Gilles Lehmann, professeur d'école en Haute-Vienne et chargé de classe en cm2, a refusé de faire subir à ses élèves les évaluations stupides imposées par le ministère dans les délais réglementaires. Il a choisi un rythme de passation des épreuves plus lent, trois semaines au lieu de trois jours. La meute de l'Inspection Académique de Limoges n'a pas tardé à se déchaîner. Le coupable, d'ores et déjà suspendu de ses fonctions, est convoqué à son I. A. en vue d'une sanction disciplinaire... Un dénommé Jean-Pierre Gainand, notamment, montre un zèle carnassier qui séduira le loukoum chatellien... Rappelons encore que ces évaluations nationales n'ont aucun sens. Elles ne sont même pas la photographie d'un instant donné en cela qu'elles ne prennent nullement en compte l'adhésion à l'épreuve des candidats. Un enfant de dix ans devient-il élève dès lors qu'on met sur sa table une feuille d'examen ? Un enfant de dix ans accroche-t-il au portemanteau sa pelisse d'enfance pour plonger tout de go dans les tracas de la conjugaison ou de la géométrie ? Un enfant de dix ans peut-il se réduire à un cerveau dont les seules fonctions cognitives seraient à l'oeuvre à un moment T ? Alors que les plus grands savants en neurosciences ne savent toujours pas ce qu'est la raison pure, les Trissotins de Limoges comme de Bordeaux, accommodés à la sauce néolibérale de la productivité, persistent à nier l'humain dans sa dimension culturelle, émotive, fragile. Les enfants n'existent pas à l'école. Seuls les élèves, les apprenants, les actants SONT. Chair à statistiques pour les ploutocrates de l'OMC, de l'OCDE. La mode est à la désincarnation de tous les savoirs, et il ne manquera jamais dans toutes les Inspections Académiques de ragondins pour dépouiller la langue de sa liberté. Le combat de Gilles Lehmann, après celui d'Alain Reffalo et de tant d'autres, s'apparente au combat des quelques personnes qui osèrent, naguère, se dresser contre la défaite de l'homme. Moi, Dominique Boudou, pleutre, lâche, incapable nerveusement de supporter le moindre conflit, je ne les suivrai pas dans leur refus. Mais je les soutiens ici, avec mes mots dérisoires, parce que je crois aux forces de l'humain et de l'esprit, parce que je crois en l'espoir d'un monde meilleur et que je ne suis pas, contrairement à ce qu'on m'a dit à ****, un décliniste. Nous devons, avec toute la puissance de nos convictions, avec tout l'arsenal d'un vocabulaire chargé de futur, sauver nos enfants menacés. Je sais que de nombreux parents d'élèves, ( des usagers, m'a-t-on dit à***),, lisent ce blog. Je leur demande comme une prière d'apporter leur soutien à Gilles Lehmann, un homme digne dont l'humble courage porte au plus haut l'idéal de Louis Germain qui fut le maître d'Albert Camus.