Capitalisme organique

Publié le 21 janvier 2010 par Www.streetblogger.fr

Ce qui est frappant lorsque l’on examine de près les carrières de chanteurs, rappeurs ou artistes afro-américains qui commencent leur carrière comme artistes engagés, c’est que fort peu d’entre eux conservent leur engagement.

Bien sur il y a des exceptions comme Chuck D, Gil Scott-Heron, Stevie Wonder ou un Ray Charles qui sans faire de bruit avait une haute idée du patrimoine culturel de son peuple et s’attachait à le préserver.

Mais que sont devenus James Brown « Black and Proud », Isaac Hayes « Black Moses » ou Flavor Flav « Fight The Power ».

On pourrait s’étonner du grand écart de Jay-Z de « Hard Knock Life » à « Big Pimpin’ », ou plus proche de nous des numéros de contorsionnistes de Passi et Stomy Bugsy des « Nègres de la pègre » ou « Traîtres » à « Laissons parler les gens » ou « Mon Papa à moi » ; bien qu’à mon avis le plus choquant est Flavor Flav’ qui est passé de Public Enemy à Flavor Of Love (ou comment passer de nègre révolutionnaire à nègre étalon entouré de juments toutes plus impatientes les unes que les autres de se faire grimper sur la croupe, pensez donc son phallus pèse des millions !).

Une discussion avec un ami m’a fait me rendre compte d’une chose qui ne m’était pourtant pas inconnue mais que je n’avais jamais perçue avec autant d’acuité.

Nous sommes dans un monde d’argent et quoi que nous puissions clamer, quelles que soient les nobles professions de foi affichant détachement et générosité, la vérité est que nous voulons tous la même chose, avoir suffisamment d’argent ce qui nous donnera suffisamment de pouvoir pour être respecté.

Quel est alors le fait le plus grave ?

Que bien des artistes, dans leurs paroles enflammées et leurs musiques endiablées, ne traduisaient en fait que les gargouillements de leur estomac vide et l’aspiration à le remplir ; ou que nous soyons dans un système qui a fait que même si l’on conteste avec plus ou moins de véhémence le fait que tout se ramène à l’argent est bien une réalité.

Nous sommes dans un système que l’on ne peut pas rejeter parce que la force d’argent qu’il a créé a investi tous nos champs d’activités, parce qu’elle a investi jusqu’à la moindre de nos actions, jusqu’à la plus infime fibre de notre être.

A la manière du goudron et des plumes dont on enduisait les malfrats au temps des cows-boys, le capitalisme nous colle à la peau.

On peut me dire pessimiste ou pire matérialiste, pourtant ma seule intention est ici de poser un regard lucide sur notre façon de vivre (à partir du moment ou plus de 90% des gens y adhèrent et que pour ne pas être socialement en marge on suit, on peut bel et bien dire qu’il s’agit de notre façon de vivre. Certes il y a toujours moi et les autres mais une base élémentaire nous rattache et ne permet pas, même à l’ego le plus valeureux, de s’isoler du groupe).

Heur et malheur de l’euro. A l’échelle de la planète lui et son frère de sang, le dollar, produisent bien plus de malheureux que de gens comblés. Dès lors que nous sommes tous engagés dans un même tissu organique dont les cellules de nos vies et des mouvements financiers constituent la trame, que reste-t-il à espérer ?

Gagner suffisamment bien sa vie pour manger, sortir, baiser et retourner au travail pour pouvoir inlassablement recommencer ? Parce qu’au fond c’est à cela qu’appelle la force d’argent et non pas à se voir, se comprendre, s’aimer, partager et s’élever.

Quelle peut être la valeur de ces mots que j’ai couchés sur le papier avec un stylo à 1 euro, sur un bloc-notes de papier à 4 euros ; que j’ai postés sur mon PC bien plus cher au sein de mon appartement au loyer élevé, après avoir utilisé l’électricité, que je paierais à la fin du mois, pour cuisiner les aliments que j’ai achetés au supermarché dans des ustensiles également achetés là-bas.

La valeur de tous ces euros n’aura pas une durée de vie plus grande que celle de la chasse d’eau que je finirais par tirer sur elle. La valeur de ces euros pourrait durer le temps d’une vie, mais la mort finirait bien par leur en conférer une tout aussi nulle que celle des éléments chassés par l’eau.

Que restera-t-il de la valeur de ces mots, leur force qui véhicule peut être celle de mon âme ?

Merci à Guillaume Laborde pour l'illustration

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