Errance urbaine en photomotion

Publié le 21 janvier 2010 par Wewowy

Vendredi 22 janvier
Point précoce sur ma seule et unique résolution 2010 : « Faire le deuil du temps qui passe ».
Echec
Ha… déjà… * Note pour plus tard : tenir plus longtemps l’année prochaine.

Pas question de culpabiliser pour autant. Les résolutions sont faites pour êtres oubliées. Toutes les résolutions. Les plus stupides vivent simplement moins longtemps que les autres. C’est pas de moi, c’est de Darwin… Et après tout, si échec il y a, il est collectif, car qui pourrait sincèrement se résoudre à laisser le temps filer sans réagir? Soyons réalistes, on fait tout pour enrayer la course du temps, depuis toujours.

Prenez la photographie

Photographie : nom féminin singulier – Technique qui permet de fixer les images de ce qui nous entoure, grâce à un support rendu sensible à la lumière.

Qu’est-ce que la photographie si ce n’est le moyen de conserver une représentation graphique d’un morceau de vie à un instant précis, ailleurs que dans notre mémoire (qui on le sait n’est pas très fiable)? Alors enterrons définitivement cette mauvaise résolution et intéressons nous un instant à cette curiosité qui nous promet délicieusement de figer le temps : la photographie.

Extrait du projet Drift de Mustard Cuffins - A découvrir dans la suite

Sur le papier l’idée est séduisante, pourtant la photographie est une source intarissable de frustration. Car pour faire la photo qui tue, le tout n’est pas de savoir viser et de presser la détente, mais de le faire au bon moment. Une seconde avant c’est trop tôt, une seconde après c’est trop tard. Une fois la cible ratée, rien ne garantie qu’elle se représentera dans votre viseur. Bien sûr on ne parle pas ici de boîtes de conserves vides ou de pipes en bois, qui ne risquent pas de se faire la malle. Mais plutôt de votre modèle préféré (votre copine ou sa doublure…) qui fini par perdre toute spontanéité lassée de poser devant l’objectif depuis de longues secondes. Pourtant vous savez qu’elle peut le faire, et ça vous agace! Vous avez vu la magie opérer une minute plus tôt. Vous avez admiré la combinaison unique de son sourire naturel et de son corps parfaitement positionné alors que le soleil perçant enfin les nuages baignait la scène d’une lumière rasante. Seulement ça n’a duré qu’une seconde et, surpris, vous avez oublié de presser la détente. Puis le charme s’est rompu. Bien sûr vous auriez pu mitrailler mais ça ne se fait pas. La photographie argentique est un sport d’adresse et de patience réservé aux tireurs d’élites. Une cartouche, c’est précieux alors on ne tire que quand on pense faire mouche.

Alors quand le numérique est arrivé, et on a cru au miracle. Fini les problèmes de munitions, avec le digital (prononcer « didjitol ») on a la gâchette facile. Les portes-flingues de fêtes foraines s’en sont donné à cœur joie. Plus besoin de porter ses Ilford 400 en bandoulière comme un cowboy et de recharger son FM2 36 coups après chaque engagement. Le reflex, c’est l’arme absolue qui met dans le mille à tous les coups, le fusil automatique en matériaux composites qui tire 1000 coups / minute en mode rafale sans s’enrayer. On cède vite à la tentation de vider rageusement son chargeur, le rictus aux lèvres et les yeux exorbités de puissance alors que les douilles pleuvent autour de nous. Mais l’extase ne dure pas, car le numérique est un mirage. Une oasis qui n’existe pas dans le désert du temps qui passe. Et oui, cette invention aussi audacieuse et révolutionnaire soit elle, n’a pas fait de nous des Capa ou des Cartier-Bresson en puissance. L’intuition et la sensibilité ne sont pas fournies avec le pack promo découverte Cdiscount.

La photographie n’a pas d’emprise totale sur le temps, et c’est ce qui fait toute sa noblesse. Entre 2 photos, le temps s’écoule inexorablement. 1 seconde, puis 2, puis 3. Bientôt le personnage sera sorti du champ. Un autre viendra, peut être, dans 1 minute ou 1 heure. Mais ce ne sera pas le même, pas celui que vous vouliez, celui-là est déjà parti. Entre 2 photos, le temps reprend le pouvoir sur la technologie et quand l’on déclenche à nouveau, c’est une tout autre histoire que l’on raconte. Que s’est-il passé entre temps? Seul le photographe le sait, s’il a su garder les yeux ouverts.

Alors parfois on essaye de combler les blancs pour reconstituer l’histoire, comme pour se rêve éveillé de l’artiste Mustard Cuffins qui navigue à travers la ville en stop-motion. D’une photo à l’autre, la cité prend vie et s’anime, comme dans une vidéo, sauf que ce film est là est constitué d’ellipses. On passe de page en page, sautant parfois un mot, parfois une ligne, l’histoire ne sera jamais vraiment complète. Pour une fois, on encourage l’amnésie pour mieux stimuler l’imagination. Qui sait ce qui peut se cacher entre 2 clichés ? Vous peut être ? Où étiez-vous ce jour là ? A New York? A Londres ? Peut-être aux deux endroits à la fois…

Vidéo via Fubiz.net