Dans un entretien dans le
Figaro de Mardi, Christine Lagarde annonce la taxation à 50%, des bonus
supérieurs à 27 500 euros, « réalisés par les opérateurs de marché payés
depuis la France ».
Cette taxe, une fois n’est pas coutume, se calque sur une mesure similaire
déjà prise par les Anglais.
Notons que des 2 cotés de la Manche, la taxe est tout à fait provisoire puisque uniquement applicable en 2010 pour la France et, encore plus éphémère, du 9 décembre 2009 au …..5 avril 2010 !!!!....pour la Grande-Bretagne !
Aussitôt annoncée, aussitôt décriée, cette taxe a rapidement été qualifiée
de « taxounette » par l‘ineffable Laurent Fabius (sur LCI).
Parallèlement,
un sondage publié par Le Monde nous dit que même si 83% des personnes
interrogées disent approuver cette taxe, 75% estiment qu'elle ne sera pas
efficace !
Je n’aime ni Laurent Fabius ni les sondages à la noix mais en l’occurrence
je suis bien obligé d’admettre que cette taxounette n’est que poudre aux yeux
et que question efficacité c’est zéro !
A la question du Figaro « Quel est l'objectif ultime de cette
taxe ? » Christine Lagarde répond : « Sans les concours
exceptionnels de l'État aux banques, elles n'auraient pas pu réaliser les
bénéfices engrangés ces derniers mois. Dans ces conditions, il est justifié que
les Français soient associés à ces résultats. Pour l'avenir, cette mesure est
un signal adressé aux banques, pour les inciter à financer l'économie, à
utiliser les fonds propres qu'elles ont reconstitués pour faire des crédits, et
non à verser des rémunérations extravagantes. »
« (..) que les Français soient associés à ces résultats » !!! ….
quand on sait qu’en réalité, cette taxe ne devrait rapporter que 90 millions
d’euros (on clame haut et fort que ce sera 360 millions mais comme la taxe
remplace un autre impôt destiné à financer un fonds de garantie des dépôts
bancaires, pour 270 millions d'euros.
La recette nouvelle n’est en fait que de 90 millions d'euros) et qu’en face la
seule BNP Paribas annonçait 4,5 milliards de bénéfice sur les 9 premiers mois
de l’année !...je n’appelle pas ça être associé aux résultats, c’est plutôt
« tenez mon brave, et maintenant lâchez moi la grappe » !
Quand au « (…) signal adressé aux banques pour les inciter à financer
l'économie (…) », alors là j’aimerais comprendre en quoi une mesure de cette
nature, tout à fait ponctuelle de surcroit, pourrait-être une incitation au
financement de l’économie ??
De toute façon le système sera largement détourné par les banques puisque
d'ores et déjà certaines d'entre elles parlent
d’augmenter les salaires fixes pour compenser la baisse de la part
variable, d’autres envisagent de multiplier par 2 les bonus afin que leurs
salariés ne soient pas lésés (cf. le Financial Times du 9 janvier) ce qui aura
comme effet de diminuer d’autant l’impôt sur les sociétés payés par ces
établissements et en conséquence de rendre quasi nul le gain global de
l’opération pour l’Etat.
Plus gênant encore, en pratiquant comme cela, on ne traite pas le réel
problème posé par ce système de rémunérations variables, liées aux résultats
immédiats, qui est l'incitation à la prise de risque !
On me dira que cette taxe est avant tout un message envoyé à la population
(aux électeurs) et un symbole qui à l’intérêt de faire appel à la fois au
sentiment « anti-banquier » et anti « rémunérations
indécentes » tous deux largement répandus dans la population !
Certes, mais le problème c’est que derrière cette mesure symbolique, il y a
de vraies questions qui ne sont pas du tout répondues !
Annoncer à grand renfort de publicité que l’on va taxer les bonus, risque de
laisser croire que l’on ne cherche pas ou que l'on ne sait pas répondre aux
véritables questions ! …en clair, que cette taxe sur les bonus n’est qu’un
écran de fumée destiné à cacher l’incapacité des pouvoirs Publics à traiter les
problèmes de fond !
Parmi ces questions, j’évacue d’entrée, probablement la plus populaire,
celle qui consiste à se demander s’il est normal que des salariés, qui n’ont
rien de plus à perdre que leur boulot, puissent toucher des revenus variables
qui peuvent aller jusqu’à quelques centaines de milliers d’euros : Le
Monde a calculé que le bonus moyen par trader, s'établit à 285.700 euros avec
quelques "stars" du trading, au nombre de 150 à 200 personnes, dont la prime
oscille entre 550.000 et 650.000 euros.
Je ne me hasarderais pas à tenter de répondre à cette question qui relève
pour partie de la morale. Certes l’importance des montants peut choquer et
personnellement il me semble que ces gens sont largement surpayés par rapport à
leurs mérites. Pour autant, rien n’oblige une banque à rémunérer aussi
grassement ses collaborateurs et si elles le font c’est qu’elles considèrent
qu’à l’arrivée elles y ont un intérêt. Après tout ce ne sont pas des
philanthropes !
De plus, ces gens sont en grande partie payés au prorata de ce qu’ils
rapportent à leur employeur !
Cette pratique est largement répandue dans toute l’économie mais ce qui fait
la différence par rapport à ce qui se fait dans l’industrie par exemple c’est
que, ce que rapporte individuellement chacune de ces personnes est considérable
!
En relevant cela, on touche finalement à la véritable question que posent
les bonus, comment peut-il exister des activités qui permettent à aussi peu
d’opérateurs de faire autant d’argent ?
J’ai toujours cru, naïvement, que dans un contexte concurrentiel, une
activité particulièrement rémunératrice voyait rapidement affluer un bataillon
de candidats au partage du gâteau et que ce faisant, les parts du dit gâteau
s’en trouvaient nécessairement réduites !
Il est vrai qu’il y a quelques exceptions à ce mécanisme dont notamment les
situations de monopole ou d’oligopole, ce qui est le cas du
« marché » de la banque d’investissement mondialement dominé par une
dizaine de gros acteurs !
Outre la rente financière que procure un environnement oligopolistique, il
crée dans le cas du système bancaire, une situation de risque systémique qui
paradoxalement protège encore un peu plus les membres de l’oligopole
!
En effet, le fameux « too big to fail » oblige les Etats à fournir
aux banques un tas d’airbags extrêmement couteux pour la collectivité, mais qui
permettent aux banques de ne pas assumer leurs erreurs : Garantie des
dépôts, prêts et recapitalisation par les Etats, fourniture de liquidités quasi
gratuites par les banques centrales… !
Cela permet notamment de comprendre comment des banques qui étaient au bord
du gouffre il y encore quelques mois, peuvent annoncer des milliards de
bénéfices sur lesquels s’appuient les bonus considérables des opérateurs de
marché !
Tout cela pour dire que, s’attaquer aux bonus comme on le fait, c’est
prendre le problème par le petit bout de la lorgnette, c’est ne s’attaquer qu’à
la face émergée de l’iceberg bancaire !
Ce n’est qu’une mesure symbolique et éphémère a laquelle il ne faut pas
attacher plus d’importance qu’elle n’en mérite.
En clair, cette histoire de taxation des bonus n'est qu'un moyen d'amuser la galerie, galerie qui même si elle l'a demandé à corps et à cris, manifestement ne trouve pas ça drôle ...il est temps maintenant de passer aux choses sérieuses !