Par Pirchirinarmor
Le Dr. Faust a bel et bien existé. De cela les historiens sont sûrs. Ils sont en revanche moins assurés sur les étapes de sa vie.
Il s’appellerait Johannes Faust et serait né vers 1480, on ne sait où. Il aurait étudié les sciences et la philosophie et peut-être enseigné un certain temps à Cracovie (Pologne) ou à Erfurt (Thuringe). Sans doute s’adonnait-il à l’occultisme et à l’alchimie, très à la mode à cette époque pleine de contradictions. Et peut-être que ses mœurs étaient dissolues. Assurément, il n’a cessé de mal se faire voir, par exemple de Luther et de Melanchthon, et s’est fait renvoyer de toutes les universités pour mauvaise réputation. Il semble alors avoir mené une vie d’aventures et cherché à vendre à qui voulait bien le croire des prestations… surnaturelles. D’où sa réputation sulfureuse de nécromancien (homme versé en magie noire).
Car il n’est certes pas une célébrité à l’instar des universitaires et des savants de son temps. Mais plutôt un obscur charlatan. Un aventurier et un imposteur doublé d’un vil escroc. Si on veut se faire une idée du vrai Faust, il faut imaginer ces faux docteurs (et vrais charlatans) qui vendaient à prix d’or, à la grande époque de la conquête de l’ouest, des élixirs miraculeux et des panacées universelles à qui voulait bien gober leurs bobards. En attendant de devoir quitter les villes où ils avaient sévi, couverts de goudron et de plumes.
Quant à Faust, sa réputation parvient finalement aux oreilles du comte de Staufen, une petite ville de Bade. Ce seigneur a des soucis en cette époque troublée par les guerres et l’insécurité, d’inflation et de crise économique. Les caisses de l’État sont vides, il faut les remplir, par tous les moyens. Au comte aussi crédule que désespéré, Faust promet monts et merveilles : il connaît le secret de l’or, il en fabriquera à partir de vils métaux ! Quelle merveille que l’équilibre budgétaire, et combien d’États ne rêveraient pas, de nos jours encore, de rencontrer leur Dr. Faust ?
Le comte le croit, lui fournit gite, laboratoire et subsistance. Au grand dam de ses sujets, qui regardent d’un œil suspicieux cet étrange personnage à la barbe impressionnante, vêtu d’un habit aussi noir que l’âme qu’on lui prête. Un nécromancien, qui s’entretient toutes les nuits en privé avec le démon !
Un beau jour de l’an 1538 à 1541 (car il y a incertitude sur la date), un bruit assourdissant vient troubler la quiétude de habitants de Staufen, déjà au bord de la crise de nerfs : le faux savant a fait un mélange hasardeux de substances, et son laboratoire vient d’exploser. Un accident qui lui coûte la vie, puisqu’on découvre dans les décombres le cadavre du docteur « atrocement mutilé » et « la tête à l’envers ».
De là à en conclure que le démon a fini par venir réclamer son dû, il n’y eut qu’un pas vite franchi… D’autres affirment qu’il aurait été arrêté pour sorcellerie, jugé et brulé vif sur une place publique de la ville de Staufen.
(3e partie, demain)
Félicien Rops, la Tentation de Saint-Antoine, 1878